Après la semaine de préparation du Sénégal pour la Coupe du monde 2018, ponctuée de deux nuls face à l’Ouzbékistan (1-1) et contre la Bosnie (0-0), l’heure est aux analyses. EnQuête a recueilli l’avis d’Alpha Sylla, ancien inspecteur des sports et formateur de football. Il appelle à privilégier le jeu collectif.
Quels enseignements vous tirez de ces deux matches amicaux contre l’Ouzbékistan et la Bosnie-Herzégovine ?
Auparavant, je voudrais adresser toutes mes félicitations au coach Aliou Cissé que j’ai eu à encourager à l’époque à venir jouer en équipe nationale du Sénégal pour sa qualification en Coupe du monde et lui transmettre mes encouragements pour le reste. Ceci étant dit, je ne rentrerai pas dans le débat des systèmes qu’on doit essayer ou pas, mais je parlerai de l’approche. Je pense que, quel que soit le système, j’aurais bien aimé qu’il démarre avec son ossature, ses hommes de base qu’il complétera au fur et à mesure, au cours de ces deux matches, en perspective de la convocation des 23 joueurs pour la Coupe du monde. C’est important, comme l’a fait le Brésil, la France, l’Allemagne, etc. Il faut commencer par l’ossature de base. Je nourris des inquiétudes, de ce point de vue, parce que c’est la dernière ligne droite. Les deux matches devraient offrir au sélectionneur l’opportunité de commencer, sous réserve de joueurs blessés, d’avoir une idée plus ou moins claire du groupe à amener à ces joutes, aux yeux des observateurs avisés et des journalistes. Ça, c’est le premier élément.
Le deuxième constat, c’est sur le plan technique. On dit que nous avons de grands joueurs, mais je pense que nous avons plutôt de bons joueurs. J’ai envie de dire que nous n’avons pas de grands joueurs, entreprenants, capables de prendre le jeu à leur compte, au-delà du système. Il nous faut aussi des attaquants entreprenants, capables de jouer en deuxième intention. Ça manque dans notre équipe, ce depuis bien avant la qualification. Ça manque car, face au renforcement des défenses adverses, à la généralisation des systèmes, à ‘’l’espionite’’. On l’a vu avec Gabriel Jesus, Coutinho (Brésil) contre l’Allemagne, les joueurs espagnols Iniesta, Isco avec leurs dribbles. Quand on pense qu’on a de grands attaquants, je crois qu’on n’en pas encore. Et, de ce point de vue, il faut beaucoup travailler. On parle de tactique de l’entraîneur. Il est bon de s’interroger également à ce niveau.
Troisième constat, il faut améliorer le jeu collectif. Nous ne sommes pas mobiles, nous ne faisons pas de courses croisées, et c’est ça qui fait la différence aujourd’hui avec les grandes équipes. Si ces problèmes-là sont réglés, du point de vue de l’approche, du choix des profils d’attaquants et du jeu collectif, on peut aller loin.
Vous parlez de joueurs capables de casser les lignes. Est-ce que ce n’est pas plutôt le rôle des formateurs que celui de l’entraîneur ?
Oui, j’ai parlé de profils, c’est en amont de ce qu’il a hérité (Aliou Cissé). Donc, ça, c’est un problème de recherche qu’on ne peut pas régler tout de suite, dans l’immédiat. Peut-être qu’après la Coupe du monde, dans l’évaluation. Après le tournoi, on pourra essayer de voir ce qui nous manque pour l’insérer dans la formation de nos futurs joueurs. Il faudra repenser, de manière générale, les aspects pédagogiques, les curricula du jeune footballeur sénégalais. De toute façon, le football restera un espace où il faut avoir la joie de jouer. La technique va prédominer. A un certain moment, on avait pensé que c’est le gros gabarit qui allait faire la différence, mais les gens ont compris que c’est la vision de jeu, la vivacité et la technique qui font l’affaire. La Coupe du monde étant considérée comme un très grand moment d’intenses observations des tendances du football moderne dans ses différents pans (tactique, organisationnel, technique…), elle constitue, entre autres, un bon prétexte pour améliorer la formation de nos futurs footballeurs.
Dans ces deux matches, on a constaté que l’équipe jouait mieux quand elle tenait le ballon que quand elle cherchait directement les attaquants. Avez-vous la même observation ?
C’est ça notre faiblesse ! Le jeu collectif, c’est la construction à partir des arrières. Autrement dit, comment progresser quand on a le ballon. Ou bien on choisit comme on l’a fait en 2002, c’est-à-dire attendre et de jouer en attaque rapide. Et là, c’est l’entraîneur (Bruno Metsu), connaissant les forces et faiblesses de notre football et celui du foot international, a fait un choix avant de partir au Mondial. J’avais dit, six mois avant la Coupe du monde (2002), que l’équipe allait étonner plus d’un. Avec les flèches qu’on avait, en plus de Fadiga (Khalilou), on pouvait s’en sortir. C’est ce qui nous avait valu d’aller en quarts de finale. Mais ce n’est pas le cas de cette équipe. Je suis d’accord avec vous qu’il faut peaufiner la construction, c’est-à-dire comment sortir le ballon rapidement, en rotation, avec des courses croisées, etc., pour atteindre les attaquants et les mettre dans des conditions de pouvoir finir le travail de manière limpide.
J’en profite pour féliciter le coach Alioune Cissé et lui transmettre tous mes encouragements, tout en espérant qu’il aura le temps de rectifier sensiblement le jeu de son équipe, en tirant les enseignements idoines de ces deux matches de préparation.
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