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Que dit l’Islam

Pour l’Islam, le port du voile est une obligation divine/farḍ, c’est-à-dire dictée par voie de révélation et le segment-clef du verset référent est connu de tous, en voici la traduction standard : « Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leur voile/khumur sur leurs poitrines ; et qu’elles ne montrent leurs atours qu’à leurs maris, ou leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris… » ,S24.V31. Le message est censé être aussi explicite qu’indiscutable : une obligation divine faite aux femmes de se voiler, c’est-à-dire de recouvrir leur chevelure. Cependant, l’on notera dès à présent que selon cette traduction même, pourtant d’obédience wahhabite, il serait seulement ordonné aux femmes de rabattre « leur voile sur leurs poitrines » ! Ceci a du reste amené ces traducteurs, qui se veulent pourtant littéralistes, à ajouter une note de bas de page destinée à plier la lettre du texte coranique à leurs intentions, nous citons : « Sur leurs poitrines : de même que leurs têtes et leurs cous » ! Le procédé peut sembler grossier, mais nous verrons plus avant l’explication de ce curieux mouvement ascensionnel.

Que dit l’Islam

Pour l’Islam, le port du voile est une obligation divine/farḍ, c’est-à-dire dictée par voie de révélation et le segment-clef du verset référent est connu de tous, en voici la traduction standard : « Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leur voile/khumur sur leurs poitrines ; et qu’elles ne montrent leurs atours qu’à leurs maris, ou leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris… »

Le sens de ce passage semble donc quelque peu voilé, et ceci explique sans aucun doute qu’en réalité la position de l’Islam sur le voile a varié dans le temps. À titre d’illustration de cette réalité historique, rappelons que le plus ancien traité de Droit musulman, al–muwattâ’ de l’Imam Malik, décédé vers la fin du IIe siècle de l’Hégire, n’aborde pas le sujet. Ceci alors même qu’il traite de ce que doit être la pudeur de la femme, et l’on en trouve encore la définition deux siècles plus tard : « la femme lorsqu’elle sort ne doit pas porter de vêtements trop fins qui montreraient ses formes ».[1] En ces temps-là, la pudeur musulmane ne passait donc pas par le voile. Est-ce à dire pour autant que les musulmanes ne portaient pas le voile ou autres tenues plus ou moins intégrales ? Sans doute pas, bien que cela ne dut relever que d’habitudes vestimentaires empruntées plus aux coutumes des juifs et des chrétiens qu’à celles des Arabes. Est-ce à dire que ces premiers doctes érudits et ces premières générations de musulmans ignoraient la prescription coranique, ou bien comprenait-il ledit verset autrement ?

Que dit le Coran

Puisque nous avons entraperçu la difficulté soulevée par l’interprétation type de S24.V31, c’est-à-dire le point de vue de l’Exégèse classique ou islamiste, voici une première approche littérale de ce verset référent : « [Ô Muhammad !] Dis aux croyantes qu’elles refrènent certains regards/abṣâr et qu’elles soient chastes. Qu’elles ne montrent de leur beauté/zîna que ce qui peut en paraître et qu’elles couvrent de leurs étoffes/khumur leurs décolletés/juyûb. Qu’elles ne montrent de leur beauté/zîna qu’à leurs maris, leurs parents, leurs beaux-parents, leurs enfants, leurs beaux-enfants, leurs frères, les enfants de leurs frères et ceux de leurs sœurs, aux femmes, à leurs esclaves, aux domestiques mâles demeurés et aux jeunes enfants qui ne s’intéressent pas à la nudité des femmes. Enfin, qu’elles ne tapent pas de leurs pieds afin d’attirer l’attention sur ce qui est caché de leurs parures/zîna… Revenez à Dieu, tous, ô croyants ; puissiez-vous être bienheureux ! »[2]

Du fait des enjeux autour des mots-clefs que nous avons transcrits : abṣâr, zîna, khumur, juyûb, l’Analyse littérale de ce verset reposera essentiellement sur l’Analyse lexicale et l’Analyse sémantique. Néanmoins, l’Analyse contextuelle soulignera que notre verset est inscrit dans une sourate entièrement centrée sur les rapports moraux, que ce soit dans la société, le couple, la famille.[3] Ce verset comporte donc six recommandations adressées aux musulmans et aux musulmanes au nom de leur foi en Dieu. L’ensemble de ces conseils constitue un cadre moral cohérent en dehors duquel la “question du voile” ne peut donc se comprendre. Nous disons “recommandations”, car le seul ordre en ce verset est donné au Prophète : « [Ô Muhammad !] Dis/qul », ordre de transmettre ce verset et non pas ordre adressé aux musulmanes. D’emblée, nous noterons que cette absence de marqueurs traduisant l’ordre ou la prescription impérative s’oppose à l’Islam qui affirme ici une obligation divine/farḍ. L’idée de recommandation est donc ce qui est le plus cohérent et juste puisque le propos de ce verset relève de la prise de conscience morale qui, s’il elle devait être imposée, impliquerait en certains cas l’hypocrisie. Or, tel ne peut être l’objectif du Coran qui, toujours, cherche à amener les croyants à adopter volontairement et sincèrement son message, ceci au nom de leur foi comme l’indique la conclusion du verset : « revenez à Dieu, tous, ô croyants ; puissiez-vous être bienheureux ! »

1– La première recommandation est formulée par la traduction standard comme suit : « dis aux croyantes de baisser leurs regards ». Le verbe ghaḍḍa/yaghḍuḍna signifie au sens propre et figuré, amoindrir, retenir, descendre. Lorsqu’il s’agit de regarder vers le sol, comme dans l’expression ghaḍḍ al–baṣar, cela se traduit par baisser le regard. Mais, en ce segment, le mot regard/baṣar est au pluriel : abṣâr et de plus déterminé par l’article partitif « min/de/certains » : min abṣâri-hinna, c’est-à-dire littéralement de leurs regards à elles. La suite demandant de maîtriser sa sexualité : « et qu’elles soient chastes », l’on en déduit que ces « regards » particuliers concernent ce domaine : regards impudiques, regards de désir, regards aguicheurs, regards concupiscents, etc. En ce cas, bien plus que de baisser simplement les yeux, il est demandé de dominer les intentions qui président à ces regards-là, d’où notre : « qu’elles refrènent certains regards », travail moral sur soi qui a aussi été préalablement demandé aux hommes au v30 : « Dis aux croyants qu’ils refrènent certains regards ». La traduction standard ne restitue donc pas le texte coranique, mais un point de vue du Droit islamique. En effet, ce dernier a consacré de longs développements quant au fait de baisser le regard quand un homme est en face d’une femme, et réciproquement. Ces chapitres ont pour intitulé : ghaḍḍ al–baṣar/baisser le regard, alors que selon le Coran, nous l’avons vu, le sujet est ghaḍḍ min al–abṣâr, littéralement baisser certains regards. Le glissement de sens est patent, l’on est ainsi passé de la notion coranique de maîtrise des intentions, de purification de l’âme et de comportements corrects en société, à celle d’une pratique juridiquement normée dénuée de sens et, surtout, de vertu éducative. Cette carence pouvant parfois aboutir à la conception d’un monde où les hommes et les femmes n’auraient même plus à se croiser. Or, au contraire, à bien la considérer, la recommandation coranique va dans le sens de la mixité.

2– La deuxième recommandation est claire : « et qu’elles soient chastes ». Notre traduction a évité de rendre littéralement la locution arabe qui signifie mot à mot : qu’elles maîtrisent leurs parties intimes/yaḥfaẓna furûja-hunna. Il faut ici souligner qu’au v30 il a d’abord été adressé le même message aux hommes : « [Ô Muhammad !] Dis aux croyants qu’ils refrènent certains regards et qu’ils soient chastes ». Cette symétrie est remarquable, elle place la sexualité des femmes et des hommes sur le même niveau. Ceci s’oppose frontalement aux conceptions de l’Islam qui ne voit la tentation que du côté de la femme et fait de l’homme la quasi victime de la femme éternelle tentatrice, mais jamais le coupable de ses propres comportements et débordements. Le Coran reconnaît aux hommes comme aux femmes la même responsabilité et appelle de ce fait les uns et les autres à maîtriser leur sexualité. Ceci suppose encore une fois que la mixité soit la base des rapports en société.[4]

3– La troisième recommandation concerne seulement les femmes : « qu’elles ne montrent de leur beauté/zîna que ce qui peut en paraître ». C’est ce segment, en arabe de formulation euphémistique, qui a été l’enjeu majeur pour les exégètes. De fait, fidèle à ces intentions exégétiques,la traduction standard propose un : « ne montrer de leurs atours/zîna que ce qui en paraît ». En soi, l’on notera que cette formulation est un pléonasme dénué de sens puisque par définition ce qui paraît est ce que l’on montre ! Pour autant, les commentateurs ont affirmé à partir de leur propre compréhension de cette phrase que la femme ne peut montrer que ses habits, c’est-à-dire être entièrement dissimulée. D’autres ont opté pour pour le fait de ne lui laisser voir que les yeux, voire un seul, et les plus libéraux ont toléré qu’elle puisse laisser paraître son visage et ses mains.[5] Cependant, à suivre ces propos, il n’y a aucune logique à indiquer dans un premier temps la limite maximale de ce qui doit être dissimulé puis de préciser immédiatement qu’il y aurait encore autre chose à ne pas montrer : « qu’elles rabattent leur voile/khumur sur leurs poitrines » ! Autrement dit, pour que l’interprétation classique de ce segment soit juste, il aurait fallu que l’ordre des propositions soit inverse : « qu’elles couvrent de leurs voiles leurs décolletés et qu’elles ne montrent que ce qui peut paraître ». [6]

Du point de vue lexical et sémantique, le premier verbe de ce segment est la forme IV abdâ/yubdîna qui signifie montrer, rendre apparent, manifester, dévoiler, mais aussi dépasser la mesure, aller au-delà de ce qui est bon, et le mot zîna connaît deux lignes de sens : beauté extérieure ou intérieure d’une chose ou ornements, atours, parures, etc. Le deuxième verbe est ẓahara qui signifie dans le contexte : paraître, apparaître, mettre en avant. En dehors de la surinterprétation manifeste défendue par l’Exégèse, et si l’on tient compte du contexte d’expression : pudeur et chasteté, une seule solution de sens s’impose ainsi exprimée par notre traduction littérale mot à mot : « qu’elles ne montrent de leur beauté que ce qui peut en paraître ». Ce segment euphémistique se comprend donc comme suit : « qu’elles ne montrent/lâ yubdîna [pas exagérément] leur beauté/zîna [si ce n’est dans les limites de] ce qui peut en paraître/mâ ẓahara min-hâ [raisonnablement, c.-à-d. sans exhibition ou provocation, en fonction de la pudeur et de la correction nécessaire à la maîtrise des passions tant de la part des femmes que des hommes, mesure s’inscrivant dans le cadre comportemental demandé : pudeur, retenue, maîtrise de sa sexualité.] »

4– La quatrième recommandation est elle aussi spécifique aux femmes : « et qu’elles couvrent de leurs étoffes/khumur leurs décolletés/juyûb ». Nous venons de voir que c’est le segment précédent qui a été le plus exploité par les premiers exégètes mais, à l’heure actuelle, le jeu des traductions et la modification des normes coutumières en usage font que l’enjeu exégétique s’est déplacé sur ce segment pour lequel il a semblé plus facile d’imposer au texte le voile, la traduction standard confirme cette volonté exégétique : « et qu’elles rabattent leur voile/khumur ». Le verbe mis en jeu est ḍaraba/yaḍribna, verbe très polysémique, mais qui présentement peut signifier rabattre, abattre, couvrir de, recouvrir de. Le terme juyûb de jâba/fendre, évoque étymologiquement l’échancrure de la poitrine, la naissance des seins, c’est ce sens restreint que prend le terme « décolleté » en notre traduction, et nous allons comprendre pourquoi de nombreuses traductions le rendent improprement par « poitrines ».

Le terme-clef khumur, pluriel de khimâr, est donc à présent l’enjeu principal de l’interprétation de ce verset, terme qui du reste n’apparaît qu’a cette occasion dans le Coran. Problème : la signification de ce mot a varié au fil du temps et des opinions des exégètes et juristes et, encore de nos jours, il désigne plusieurs types de voile dont la longueur et la forme varient en fonction du rigorisme des interprètes et des marchands de tissus. Rappelons donc pour éclaircir le sujet, que ce terme dérive de la racine khamara : couvrir, envelopper, cacher, et désigne donc étymologiquement tout ce qui sert à cacher et dérober aux regards. C’est encore la définition que lui donne al Isfâhânî au Ve siècle de l’Hégire en son célèbre dictionnaire des termes rares du Coran tout en ajoutant que l’usage, postérieur au Coran, lui a donné le sens de ce qui couvre la tête des femmes. Nous avons vu précédemment que cet usage n’était pas connu par l’Imam Malik vers la fin du IIe siècle, ce qui confirme l’opinion de al Isfâhânî. Entre ces deux périodes, Tabari, IIIe siècle, cite plusieurs avis confirmant que le terme khimâr vaut pour tout ce qui couvre le corps. Cependant, Tabari témoigne aussi de l’opinion des exégètes qui à cette époque souhaitaient que les femmes couvrent leur chevelure, pour eux le khimâr est alors ce qui couvre la tête des femmes. Pour donner vie à cette affirmation à contre-sens lexical, de nombreux auteurs ont affirmé qu’antérieurement au Coran les femmes arabes portaient sur la tête une pièce de tissu nommé khimâr dont elles laissaient pendre les deux bouts derrière elles. Le Coran aurait alors ordonné qu’elles rabattent ces deux pans sur « leurs poitrines » car, ajoutent-ils, en ces temps-là les femmes allaient fréquemment seins nus, mais ils n’ont là pas d’autres preuves que leur propre propos. Comment donc imaginer que les femmes Arabes se couvraient les cheveux mais pas la poitrine ! Quoi qu’il en soit de cette invraisemblance, et si tel avait été le cas, le Coran aurait alors ordonné à ces femmes qu’elles couvrent leur poitrine et, au contraire, s’il n’est fait mention que du « décolleté », c’est donc bien qu’elles cachaient déjà leurs seins ! En outre, l’on sait de source historique sûre que seules les esclaves ne se couvraient pas les seins, les femmes de Médine étaient-elles toutes esclaves ! Plus, ce khimâr tel qu’il est décrit par l’Exégèse n’avait pas pour fonction de recouvrir la chevelure, mais en constituait plutôt un ornement, comme une traîne, il aurait donc fallu en ce cas que le Coran précisât que les femmes devaient aussi l’utiliser pour recouvrir leurs cheveux, et ce n’est pas le cas. Si donc le Coran avait souhaité que la chevelure féminine soit dissimulée, il aurait quand même fallu qu’il l’indique clairement et non en employant un terme qui ne parvient à cacher les cheveux qu’aux prix d’une interprétation plus ou moins tirée par les cheveux, oserions-nous dire. Toute prescription doit nécessairement être explicite et non ambiguë et, affirmer que le Coran parle de cacher le « décolleté » pour que les cheveux le soient relève pour le moins d’une manipulation exégético-magique !

Ceci étant précisé, l’on note qu’il est dit « leurs khumur/khumuri-hinna », ce qui laisse supposer qu’il s’agissait là d’un vêtement ou d’un accessoire vestimentaire connu que les femmes portaient soit régulièrement soit occasionnellement. Malgré tout, cela n’indique pas en soi la nature exacte dudit vêtement et nous avons vu que nous ne pouvions valider les différents avis ayant tenté de le particulariser. Néanmoins, cet état de fait est conforme aux perspectives intemporelles et universelles du Coran, lesquelles ne peuvent être tributaires des modes vestimentaires. Nous pouvons en déduire que par khimâr il nous faut comprendre seulement la fonction que le Coran lui confère : tout ce qui peut être utile à cacher le décolleté, définition étymologique correspondant bien à l’objectif textuellement déclaré. Ceci explique que nous ayons rendu le pluriel khumur par « étoffes », ce terme ne présumant pas de la nature du vêtement en question, mais indiquant que la recommandation : « et qu’elles couvrent de leurs étoffes/khumur leurs décolletés/juyûb » peut être atteint par le moyen leur semblant le plus apte. Bien que cela ne soit pas méthodologiquement nécessaire, nous citerons plus avant un hadîth confirmant explicitement que khumur signifiait simplement « étoffes » dont on se couvre à l’époque du Coran. Nous soulignerons donc à présent que toutes les traductions faisant mention pour le pluriel khumur de voiles ou grands voiles ne sont que des erreurs volontaires destinées à infléchir le sens du Coran en fonction des volontés exégétiques en jeu. D’une part, nous avons vu que le singulier khimâr, quelles que soient les définitions qui en aient été données, ne peut signifier voile et, d’autre part, il s’agit d’un contresens linguistique puisqu’en arabe comme dans le Coran le terme voile se dit ḥijâb. Nous sommes là au cœur d’un glissement sémantique mis en œuvre systématiquement afin de générer la confusion nécessaire à la manipulation sémantique actuelle. À ce propos, un dernier détail de traduction est à souligner, nous avons rappelé que le verbe ḍaraba/yaḍribna pouvait signifier rabattre, abattre, couvrir, recouvrir. De fait, il est constamment traduit par rabattre dans l’expression consacrée : « qu’elles rabattent leur voile/khumur sur leurs poitrines ».[7] Ce choix est bien évidemment destiné à donner l’image d’un voile de tête dont on rabattrait les pans vers l’avant, l’illusion est parfaite. Mais, puisque nous avons démontré qu’il s’agissait là d’une fiction exégétique et que le mot khimâr ne pouvait que désigner toute étoffe à même de couvrir le décolleté, le sens à retenir pour ḍaraba est nécessairement couvrir, d’où : « et qu’elles couvrent/yaḍribna de leurs étoffes/khumur leurs décolletés/juyûb».

5– La cinquième recommandation est la suivante : « Qu’elles ne montrent de leur beauté/zîna qu’à leurs maris, leurs parents, leurs beaux-parents, leurs enfants, leurs beaux-enfants, leurs frères, les enfants de leurs frères et ceux de leurs sœurs, aux femmes,[8] à leurs esclaves, aux domestiques mâles demeurés et aux jeunes enfants qui ne s’intéressent pas à la nudité des femmes ». Notons que le segment « qu’elles ne montrent de leur beauté/zîna » est ici répété afin de préciser en quelles circonstances une femme soucieuse de pudeur et de bonne conduite peut laisser libre cours à sa coquetterie. Le milieu décrit est principalement familial et correspond à la structure clanique de l’époque et à son mode de vie. Il est donc parfaitement clair qu’il ne s’agit pas de dire devant qui une femme peut paraître dévoilée. De fait, il ne s’agit donc pas là de la liste des maḥram, c’est-à-dire des personnes que l’on ne peut épouser qui en réalité est donnée en S4.V22-23. Ceci explique que nous ayons donné aux collectifs abâ’ et abnâ’ le sens mixte que ces termes peuvent revêtir. Or, nombreux sont les commentateurs et les commentaires qui créent la confusion entre ces deux listes, ceci afin que la femme qu’ils prétendent voiler ne puisse être vue sans voile que par ceux qui ne peuvent se marier avec elle. Tout d’abord, cela supposerait que le tabou frappant ces mariages suffirait à s’opposer aux désirs des uns et des unes, ce que les innombrables affaires de mœurs infirment. Ensuite, plus dommageable, cela ferait de la femme, encore une fois, la tentatrice par essence et, par voie de conséquence, l’objet licite par définition de la convoitise des hommes ! Nous sommes à présent en mesure de comprendre que l’ensemble des préoccupations et règles établies quant à savoir devant qui les femmes doivent se voiler ou se dévoiler ne fait aucun sens en ce verset si ce n’est de vouloir régir les problèmes que cette surinterprétation elle-même génère au quotidien. Il va sans dire que dans l’idéal fantasmé de certains, la meilleure solution serait que la femme, bijou à protéger des hommes disent-ils, ne doivent pas même quitter la demeure de ses protecteurs mâles !

6– La sixième et dernière recommandation est restreinte par sa spécificité : « qu’elles ne tapent pas de leurs pieds afin d’attirer l’attention sur ce qui est caché de leurs zîna ». En ce segment le terme zîna vaut cette fois-ci pour bijoux, ornements, « parures [de chevilles] ». En effet, il semble qu’il soit ici fait référence à ce genre de bijoux que les femmes portaient et dont les anciens poèmes arabes nous apprennent que les faire sonner en frappant du pied était culturellement un acte de portée érotique, un appel du pied en quelque sorte.

7– Quant à la conclusion du verset : « revenez/tûbû à Dieu, tous, ô croyants ; puissiez-vous être bienheureux ! » elle est porteuse de plusieurs enseignements. Conformément aux six recommandations du verset, il est demandé à chacun de réformer ses anciennes habitudes de comportement en matière de pudeur, de retenue, de maîtrise de sa sexualité, de tenue vestimentaire correcte. Il ne s’agit pas ici de se repentir, autre sens du verbe tâba/tûbû, mais bien de revenir au nom de sa foi vers Dieu, c’est-à-dire s’efforcer de mettre en application Ses recommandations. Notons qu’après s’être adressé aux hommes, v33, puis aux femmes, v31, il est dit « ô croyants » qui, appuyé par l’adverbe tous/jamî‘an, désigne à l’évidence les croyants et les croyantes. Rien d’étonnant, nous l’avons souligné à plusieurs reprises, puisque la lettre et l’esprit de ces deux versets mettent les hommes et les femmes sur le même pied d’égalité en matière de sexualité, de mœurs et de responsabilité et, par conséquent, plaident pour une participation mixte à la société basée sur le respect réciproque et l’égalité. Il va sans dire que cette position révolutionnaire pour l’époque sera rapidement évacuée lors de la construction de l’Islam patriarcal qui ne cache pas vraiment son machisme, sa phallocratie et sa misogynie.[9]

– Enfin, il va sans dire que puisque le Coran ne dit pas visiblement ce que l’Islam a voulu lui faire dire, quelques hadîths ont été produits afin de parvenir au résultat escompté par l’Exégèse juridique. Néanmoins, notre intérêt ne porte que sur le propos coranique, car, pour une raison aussi simple que cohérente, nous ne pouvons pas admettre que le Prophète ait pu émettre des avis qui se seraient opposés au Coran. En l’occurrence, moins d’une dizaine de hadîths sont exploités en faveur du port du voile, plus ou moins intégral, mais tous n’en témoignent que très indirectement. Le hadîth qui est constamment répété, du fait de son caractère explicite, fait dire au Prophète s’adressant à Asmâ’ bint Abû Bakr qu’une femme pubère ne peut laisser voir que son visage et ses mains.[10] Or, il est parfaitement établi que ce hadîth est non authentique. Paradoxalement, l’on doit ce déclassement au spécialiste contemporain du hadîth : al Albani, lequel a signalé qu’il manquait un maillon dans la chaîne de transmission et que l’un des rapporteurs était de plus considéré comme non fiable/ḍa‘îf. Ce propos est donc faussement attribué au Prophète et il ne traduit que l’avis d’exégètes et juristes tardifs. Par contre, le hadîth le plus authentique sur ce sujet, rapporté par al Bukhârî et attribué à Aïsha, confirme ce que nous avons établi quant à la signification du segment-clef « et qu’elles couvrent de leurs étoffes/khumur leurs décolletés/juyûb ». En effet, Aïsha y dit au sujet précisément de ce segment, jugé donc décisif en ce verset, que les femmes de Médine se mirent en devoir de couper des bouts d’étoffes/murûṭ afin d’en recouvrir « leurs décolletés ». Aussi, d’une part, l’on constate que le mot khumur a bien été compris comme signifiant simplement étoffes /murûṭ et, d’autre part, puisqu’ainsi elles ajoutèrent une pièce à leurs tenues habituelles, ceci indique explicitement que les khumur n’étaient pas des voiles de tête déjà existant comme nos exégètes se plaisent à le croire et à nous le faire croire. Peu importe au demeurant ce débat hadistique, car le Coran s’étant clairement exprimé sur ce qui devait être la tenue correcte d’une croyante : ne montrer « de leur beauté que ce qui peut en paraître » et couvrir « leurs décolletés », nous n’endosserons donc pas la responsabilité de supposer que le Prophète ait pu ordonner ce que le Coran n’ordonna pas ! La foi musulmane en Dieu et en Son messager ne peut admettre que le Messager ait pu outrepasser ou mésinterpréter le Message qu’il était chargé de transmettre à la lettre !

Conclusion

L’Analyse littérale de ce verset-clef aura montré sans ambiguïté qu’il ne prescrit pas le port du voile. Rien dans le Coran n’institue donc la prétendue obligation divine/farḍ au nom de laquelle l’Islam entend voiler la face de la moitié du Monde. Par contre, il aura principalement été mis en évidence les points suivants :

– Selon le Coran, hommes et femmes doivent se comporter avec décence, pudeur et retenue : qu’ils « refrènent certains regards ».

– Cela suppose une mixité régulée par la maîtrise des instincts sexuels : qu’ils et qu’elles « soient chastes », sexualité que le Coran reconnaît donc à égalité tant aux hommes qu’aux femmes. Cette norme morale coranique indique de ne pas séduire et ne pas chercher à l’être, d’où le fait de ne pas non plus se mettre exagérément en valeur physiquement.

– Concernant les femmes, il leur est spécifiquement recommandé de couvrir « leurs décolletés/juyûb ». Ceci peut être réalisé à l’aide de toute étoffe/khumur/murûṭ comme de tout autre vêtement.

Ainsi, lorsque l’Islam rend obligatoire le port du voile pour toute musulmane, il ne peut se légitimer du Coran. Rien n’oblige donc une musulmane à se voiler, tout l’appelle à la pudeur, à la décence et à la retenue, comportement valant également pour les hommes, rappelons-le. Pour autant, rien selon le Coran n’interdit à une musulmane de porter le “voile”, car ce souhait, voire ce nouveau dress code pour certaines et certains, est respectable du moment où il est compatible avec la norme morale plaidée en ce verset et d’autres. Mais, si ce port du voile est assorti d’une restriction de liberté et d’égalité des femmes, ceci est alors en opposition avec les recommandations égalitaires de ce verset et d’autres.[11] À l’inverse, vouloir interdire aux musulmanes qui le souhaitent de porter le “voile” est tout autant un manquement inacceptable au respect le plus élémentaire de la personne humaine et de sa liberté d’être.

Dr al Ajamî

[1] « wa lâ yalbis an–nisâ’ min ar–riqâq mâ yaṣifu-hunna idhâ kharajna », Risâla Ibn Abî Zayd al–Qayrawânî, Chapitre : Sitr al–‘awra.

[2] S24.V31 :

وَقُلْ لِلْمُؤْمِنَاتِ يَغْضُضْنَ مِنْ أَبْصَارِهِنَّ وَيَحْفَظْنَ فُرُوجَهُنَّ وَلَا يُبْدِينَ زِينَتَهُنَّ إِلَّا مَا ظَهَرَ مِنْهَا وَلْيَضْرِبْنَ بِخُمُرِهِنَّ عَلَى جُيُوبِهِنَّ وَلَا يُبْدِينَ زِينَتَهُنَّ إِلَّا لِبُعُولَتِهِنَّ أَوْ آَبَائِهِنَّ أَوْ آَبَاءِ بُعُولَتِهِنَّ أَوْ أَبْنَائِهِنَّ أَوْ أَبْنَاءِ بُعُولَتِهِنَّ أَوْ إِخْوَانِهِنَّ أَوْ بَنِي إِخْوَانِهِنَّ أَوْ بَنِي أَخَوَاتِهِنَّ أَوْ نِسَائِهِنَّ أَوْ مَا مَلَكَتْ أَيْمَانُهُنَّ أَوِ التَّابِعِينَ غَيْرِ أُولِي الْإِرْبَةِ مِنَ الرِّجَالِ أَوِ الطِّفْلِ الَّذِينَ لَمْ يَظْهَرُوا عَلَى عَوْرَاتِ النِّسَاءِ وَلَا يَضْرِبْنَ بِأَرْجُلِهِنَّ لِيُعْلَمَ مَا يُخْفِينَ مِنْ زِينَتِهِنَّ وَتُوبُوا إِلَى اللَّهِ جَمِيعًا أَيُّهَا الْمُؤْمِنُونَ لَعَلَّكُمْ تُفْلِحُونَ

[3] Respect de la fidélité mutuelle du couple et de la vertu des femmes, vs2-26 ; respect du domicile d’autrui, vs27-29 ; conduite chaste et pudeur vestimentaire, vs30-31 ; incitation au mariage, vs32-33 ; respect de l’intimité vs58-60 ; respect dans les relations familiales, vs61-62. Voir aussi : Le “voile” de la “femme ménopausée” selon le Coran et en Islam.

[4] Sur ce point, voir : La mixité selon le Coran et en Islam.

[5] Beaucoup de ces propos sont ici prêtés à Ibn Abbâs, lequel avait 13 ans à la mort du Prophète et qui, de plus, se trouve bien malgré lui dire en la matière tout et son contraire. Ceci indique la non fiabilité de ses propos et prouve qu’ils furent construits au fil du temps et en ordre dispersé en fonction des opinions exégético-juridiques des uns et des autres. Nous envisagerons plus avant les hadîths concernés.

[6] Ceci reste vrai, quelle que soit la traduction que l’on ferait de ce segment.

[7] Ce sont précisément les termes de la traduction standard.

[8] « aux femmes », le texte porte leurs femmes/nisâ’i-hinna, mais comme l’expression faisant suite : « leurs esclaves/mâ malakat aymânu-hunna » vaut pour les esclaves hommes ou femmes, c’est donc dire : les femmes de leurs familles comme celles qu’elles fréquentent. Signalons que la traduction standard a cru bon d’ajouter leurs femmes musulmanes ! Cet ajout n’est pas anodin, il vient à l’appui du principe discriminatoire entre musulman et non-musulman que la confessionnalisation de l’Islam défend avec vigueur au mépris du texte et de l’humanisme coraniques.

[9] Nous observons donc que le Coran peut employer le collectif pluriel croyants/mu’minûn pour désigner les hommes et les femmes, ce qui permet pour une bonne part de répondre à une question fréquente : Pourquoi le Coran ne s’adresse-t-il qu’aux hommes ?

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