Kalidou Koulibaly : « Pourquoi j’ai choisi le Sénégal » !

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SUNUBUZZ – Dans un entretien avec Sofoot, le défenseur des Lions du Sénégal explique son choix de porter les couleurs nationales. Sa référence à son poste, sa relation, avec Kara Mbodj, le coup de fil de Benitez, le racisme, Kalidou Koulibaly dit tout.

Il pleut à Naples depuis que le Scudetto s’est envolé…
C’est dommage, on s’est battus jusqu’à la fin, on a tout donné en jouant un football conquérant. Il nous aura sans doute manqué un peu de mental et d’expérience. La différence, c’est que la Juve est une équipe qui a l’habitude de gagner, qui sait plier les matchs 1-0 même en jouant mal. Ils ont gagné une septième fois, mais ils ont tremblé toute la saison…

Votre coach, Maurizio Sarri, pense que vous avez perdu le titre en regardant le match entre l’Inter et la Juve à l’hôtel. Il croit que vous avez subi un « choc psychologique » quand la Juve, menée 1-0 puis 2-1, l’a emporté dans les dernières minutes…
Presque toute l’équipe regardait le match. J’ai préféré ne pas le faire, mais quand tu entends tes coéquipiers crier de joie quand l’Inter est en tête, puis crier de dépit quand la Juve marque… C’est difficile. Après, on n’a pas été aidés par le fait de jouer chaque fois après eux. Cela influe sur la pression du résultat. En France, les trois dernières journées sont jouées en même temps pour équilibrer les débats. Je comprends quand ils avaient la Champions, mais au bout d’un moment, quand ils sont éliminés et qu’ils jouent tout le temps avant nous, c’est dur psychologiquement. Mais on ne se cherche pas d’excuses. Si on veut être une grande équipe, on doit passer outre. Les points qui nous manquent, on les a perdus avant, contre des équipes avec qui on a fait match nul: Sassuolo, Milan, Chievo au match aller… Des rencontres qu’on devait gagner. C’est là qu’on perd le Scudetto.

La manière dont la ville a explosé au moment de ton but contre la Juve était vraiment impressionnante…
Le foot, c’est ça: donner des émotions. J’ai l’impression que j’ai toujours vécu ici, car je suis arrivé jeune. C’est important pour moi de leur rendre sur le terrain. Quand j’ai marqué ce but, sérieux, je me souviens même plus de ce qui s’est passé dans ma tête pendant les dix secondes qui ont suivi. Je revois seulement l’équipe qui court vers moi.

Le soir même, Diego Maradona a posté une photo de lui avec ton maillot bleu ciel sur les réseaux.
J’étais vraiment surpris. Ici, c’est une idole absolue. Mon maillot, il me l’avait demandé il y a deux ans par l’intermédiaire d’un magasinier du club. Quand le gars me l’avait dit, je ne l’avais pas cru, je lui avais demandé une preuve. Une semaine après, Diego m’envoie la photo, avec une vidéo me remerciant de le lui avoir donné. Dingue. Même ceux qui n’y connaissent rien en foot, et ils sont déjà pas nombreux dans le monde, voient de qui tu parles quand tu prononces son nom. J’ai eu la chance de le rencontrer l’année dernière, lors du huitième contre le Real Madrid. On a seulement parlé cinq minutes, j’espère le revoir.

Il a déclaré que tu étais « le meilleur défenseur de Serie A ». Un constat qu’a confirmé le Centre international d’étude du sport en début d’année, en te nommant meilleur défenseur des cinq grands championnats. Est-ce justifié ?
J’ai eu un parcours sinueux, mais c’est grâce au travail que je suis arrivé là où j’en suis. Je ne suis pas un talentueux qui a de la magie dans les pieds. J’aime la critique, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Enfin, surtout la mauvaise, parce qu’elle permet d’analyser les erreurs pour ne pas les refaire dans le futur. Quand tu vois des joueurs qui arrivent à durer au plus haut niveau, des Ramos, des Piqué, tu sais que ce sont des bourreaux de travail. J’en oublie sans doute, mais pour moi, ces deux-là restent la référence.

Une autre de tes références à ce poste, c’est Marius Trésor.
Je n’ai pas eu la chance de le voir énormément jouer, mais j’ai regardé beaucoup de vidéos. C’était mon idole de jeunesse. On m’a toujours parlé de lui, de la « garde noire », qu’il composait avec Jean-Pierre Adams. Il m’a laissé un petit message il n’y a pas très longtemps et je l’en remercie. J’ai aussi adoré Marcel Desailly et Lilian Thuram, qui ont été des exemples pour moi, petit Français d’origine sénégalaise. Pas seulement parce qu’ils sont noirs, mais parce qu’ils ont réussi à s’intégrer en France.

Puisqu’on parle de Lilian Thuram, abordons la question du racisme. En 2016, tu as été l’objet de cris de singe lors d’un match contre la Lazio Rome. Que ressent-on dans ces moments-là ?
C’est très difficile d’en faire abstraction. (Silence) Ce jour-là, je me souviens qu’un petit de 11 ou 12 ans était venu me voir avant le match: « Je suis tifoso de la Lazio mais je t’aime beaucoup. » Sur le terrain, il s’est passé ce qui s’est passé, je n’étais pas bien. Quand je suis sorti du stade, il est venu me voir en courant et m’a dit: « Désolé pour ce qui s’est passé. » Ça m’a vraiment touché. Je lui ai donné mon maillot, c’est lui qui le méritait le plus. Et au match d’après, les supporters napolitains ont porté un masque à mon effigie dans les tribunes. Ce n’est pas rien. En arrivant à Naples, je croyais que je serais seul et que personne ne m’aiderait face à ce phénomène. Mais je me suis trompé. Plus globalement, c’est une question qui concerne un peu tout le monde en Italie, et les Napolitains en particulier. Ces derniers sont souvent victimes de discriminations car l’Italie est un pays très divisé entre le Nord et le Sud, il y a des tensions. Ce n’est pas lié à la couleur de peau mais on se retrouve face aux mêmes minorités agissantes qui font mal.

En ville, les supporters ont très peur que tu partes cet été. La presse annonce des contacts avec Arsenal et Chelsea.
Peut-être qu’un jour je partirai, mais pour le moment, je suis bien à Naples. Il me reste trois ans de contrat, on verra ce que le coach veut faire et comment ça va se passer, si les meilleurs joueurs vont rester pour avoir une chance de gagner des titres comme l’an dernier. A priori, il va y avoir du mouvement. Il y a déjà Pepe Reina qui part cet été. Pour nous, c’est vraiment une grande perte.

Un des principaux freins au développement du Napoli, c’est son image. Celle-ci est liée à la Mafia. On se souvient de l’épisode Quagliarella, ou du braquage de la femme de Lavezzi.
Quand j’ai signé, tout le monde me parlait de la Mafia, mais en quatre saisons ici, je ne me suis jamais senti menacé. Il faut faire attention à tes fréquentations, c’est tout. Je ne suis pas un grand fêtard, sortir dans les bars, c’est pas trop mon style. Boire un verre un après-midi en terrasse, oui, quand il fait beau, mais sinon je reste en famille, avec ma femme et mon fils, ou avec Faouzi Ghoulam. On se fait un petit thé tranquille à la maison. Ni lui ni moi n’avons jamais eu de problèmes avec la Mafia.

Quel est ton endroit préféré à Naples ?
J’aime marcher le long de la mer, dans le centre, vers Castel dell’Ovo. Il y a une super vue sur Naples et tu vois un peu Capri. Mais je suis aussi allé visiter la Sanita, qui est un quartier un peu mal famé, en banlieue de la ville. Les jeunes sont pauvres et essaient de s’en sortir par la délinquance. Moi, je suis né dans un quartier difficile aussi, à Saint-Dié-des-Vosges, donc je me reconnais un peu en eux. Même si dans les Vosges, on n’était pas à leur niveau (rires).

Tu as fait des bêtises quand tu étais jeune ?
Non, j’étais le petit gentil. J’avais peur de mes parents, peur de leur faire honte. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu qu’ils soient fiers de moi, les rassurer. C’est pour ça qu’à l’école, j’essayais de bien travailler. Tu sais, tous les matins je voyais mon père se réveiller tôt, partir de chez moi à 7 heures pour aller à l’usine. Chaque fois que j’entendais du bruit, je me levais parce que je voulais passer du temps avec lui. Il en était le premier étonné. Je lui faisais un bisou et après je retournais au lit. Il a toujours travaillé pour nous rendre heureux. Et moi, il m’a rendu très heureux.

Parle-nous un peu de Saint-Dié-des-Vosges.
Un petit bout de Sénégal en France. Il y a une grande communauté de Peuls. Je ne peux pas vous dire combien on est exactement, mais quand je sortais en bas de la maison, ça parlait encore le peul, pour te dire. Bref, c’est chez moi, j’aime trop cette ville. Je suis fier d’être vosgien et d’être déodatien. Le maire, David Valence, est super sympa, il m’a fait citoyen d’honneur.

À l’époque, tu joues dans le petit club de la ville, avant d’être recruté par le FC Metz, qui va te libérer par la suite. Le début de ton parcours sinueux.
J’avais à peine 13 ans. J’ai fait deux ans en préformation, mais ils ont jugé que je n’étais pas assez bon. Quand je suis rentré à Saint-Dié, j’étais insupportable. À Metz, on m’avait appris à détester la défaite. À Saint-Dié, les gens jouaient juste pour le plaisir. Je ne suis pas fier de ça mais j’insultais mes coéquipiers pendant les matchs, parce qu’ils n’étaient pas assez motivés, ou pas assez bons (rires). Heureusement, le coach a fini par me mettre avec des mecs qui avaient trois ans de plus que moi. Eux, je ne pouvais pas les insulter (rires). En étant recalé du FC Metz, j’ai compris que mon rêve d’être footballeur pro était en cristal. À Saint-Dié, j’ai ensuite joué avec des pères de famille, des mecs qui allaient charbonner la journée avant de jouer le soir. Ça m’a fait mûrir. Je me suis dit que ma vie serait peut-être comme ça. À l’école, je me suis mis en tête d’avoir mon bac. J’étais assez doué en mathématiques, ma prof voulait que je fasse S. Je lui disais: « Non madame, j’ai les entraînements, je n’aurai pas le temps de faire les TP. » Finalement, j’ai choisi ES. Les banques, l’assurance, c’était quelque chose qui me plaisait car j’aimais les chiffres. Je me suis dit que j’allais m’en sortir comme ça…

« Le jour de ma visite médicale à Naples, le président me regarde : ‘Oh, tu ne fais pas 1,96 mètres toi. Putain, sur Internet c’est écrit ça. On va payer moins sur ton transfert puisqu’il y a une partie qui manque’ »
Metz finit par te demander de revenir. Là-bas, tu gagnes la coupe Gambardella, avec Bouna Sarr notamment, avant d’intégrer le groupe pro, où tu retrouves un certain Sadio Mané. Avec le recul, comment avez-vous fait pour descendre en National ?
C’est dingue quand on y pense. Après, on n’était pas les mêmes joueurs qu’aujourd’hui. On était treizièmes ou quatorzièmes toute l’année, puis je me blesse à l’entraînement. Fracture du cinquième métatarse, forfait pour les dix derniers matchs. Je n’ai pas pu aider mes coéquipiers alors qu’on jouait notre survie. J’ai vécu la descente depuis les tribunes, comme un supporter. J’étais dégoûté. Mais bon, j’étais prêt à rester en National pour les aider à remonter en ligue 2.

Tu quittes alors la Lorraine pour aller à Genk. Où tu découvres notamment la coupe d’Europe…
Contre Videoton, je m’attendais à ce que le coach, Gunter Jacob, me donne plein de consignes, mais il m’a seulement dit: « Joue ton match. » Dans ma tête, je me suis dit: « Mais il est fou lui ou quoi? » (Rires) Quand tu passes de la ligue 2 à l’Europa League, le niveau change, laisse tomber. Tout va plus vite. Sur le moment, c’était la panique. Mais il avait raison, finalement. Si on te met trop de trucs dans la tête, tu n’es pas performant parce que tu penses trop.

À l’époque, tu fais la paire avec Kara Mbodj, soit la charnière titulaire du Sénégal lors du prochain Mondial.
Quand j’allais chez lui, il n’arrêtait pas de me parler de la sélection sénégalaise, il commençait déjà à me travailler au mental (rires). Je lui disais qu’il fallait que j’attende encore parce que j’avais fait la coupe du monde avec les U20 français quand j’étais à Metz. J’espérais une sélection avec les Bleus Espoirs, mais on ne m’a jamais appelé. Quand Kara partait en sélection et que je restais tout seul au club, c’était pesant. Ça a commencé à me trotter dans la tête.

C’est à ce moment que tu reçois un coup de fil qui va changer ta vie. Mais ce n’était pas Didier Deschamps.
C’était en janvier, pendant les derniers jours du mercato. Je décroche. « Allô, c’est Rafael Benitez. » À l’époque, j’avais un pote qui me faisait des blagues en anglais, donc je n’y ai pas cru. Je lui dis: « Hey my friend, stop joking with me », et je raccroche. Le mec rappelle: « Yes, it’s Rafael Benitez. » Je lui répète: « Ahmed, I already told you! » Je raccroche encore. Dix minutes plus tard, mon agent m’appelle pour me dire de faire attention à mon téléphone car Benitez veut me parler. « Putain, t’es sérieux Bruno? Je lui ai raccroché deux fois au nez. » (Rires) Bref, Benitez me rappelle une troisième fois. J’étais tout timide, en mode « I’m so sorry ». Il parle le français, donc on finit par s’expliquer… Il me dit: « Bon, ça t’intéresse Naples? » Deuxième question: « T’es marié? –Non, j’ai une copine –Depuis combien de temps? –Quatre ans », mais dans ma tête je me dis: « Il est sérieux, lui? » Puis il m’explique qu’il veut me recruter. Moi, j’étais chaud, mais ça ne s’est pas fait. Trois jours pour négocier, c’est trop court. Il m’a promis qu’il allait revenir en juin. Je pensais que c’était une promesse en l’air mais il l’a vraiment fait.

Comment se sont passés tes premiers jours à Castel Volturno ?
Le jour de ma visite médicale, le président De Laurentiis me regarde: « Oh, tu ne fais pas 1,96 mètre, toi. » Je lui dis que non, je fais 1,86 mètre. « Putain, sur Internet c’est écrit que tu fais 1,96 mètre. On va payer moins sur ton transfert puisqu’il y a une partie qui manque. » Je me suis pas débiné : « Ne vous inquiétez pas président, les dix centimètres, je vous les retrouverai quelque part. » Je ne voulais pas que mon transfert soit annulé. Derrière, après les tests, Benitez m’invite à dîner. Dans les vestiaires, pendant que je me change, je me dis : « Putain, je vais manger ce soir avec Rafa Benitez, ce truc de ouf. » Incroyable ce dîner. Il a pris sept verres pour faire les défenseurs et des fourchettes pour symboliser les attaquants, et il a commencé à parler tactique, à m’expliquer les concepts de sa défense. « Avec moi, c’est comme ça, toi tu dois faire ça. » Il me posait des questions, aussi: « Si le joueur est là et le ballon ici, toi tu te places où ? » J’étais mort de peur: « Là. » « Oui, c’est bien. Attends, maintenant je vais t’apprendre quelque chose d’autre. »

En quinze minutes, avec des verres et des fourchettes, j’ai appris quinze mille choses. Benitez est vraiment un coach qui a su me gérer. Au début, j’étais le petit qui arrivait de Genk. Les tifosi demandaient qui j’étais. Ils ne comprenaient pas pourquoi je jouais tous les matchs, mais Benitez a insisté. Ce n’était pas ma meilleure saison, mais je ne connais pas un joueur qui a été bon dès sa première année en Italie. Benitez est parti au Real Madrid. Et Maurizio Sarri est arrivé. Au départ, il n’était pas amoureux de moi.

À ses yeux, j’étais juste un joueur lambda. À une semaine de la fin du mercato, je vais dans son bureau et lui demande de me laisser partir. Il me dit: « Va voir le directeur, moi je ne parle pas de ça avec toi. » J’ai pris ça comme une attaque. Finalement, le club a bloqué mon départ. Mais je les ai prévenus: « Je vais énormément travailler pendant six mois. Si je mérite de jouer, je veux jouer. Sinon, au mois de décembre, vous ne me voyez plus. »

Mon premier match, je remplace un blessé. On menait 2-0. Je voulais me montrer, j’étais chaud. Finalement, on a fait 2-2 (rires). C’était dur. Bref, les semaines passent, et le coach annonce qu’il fait tourner en Ligue Europa. J’étais revanchard, en mode « tu ne vas plus jamais me sortir de l’équipe ». On gagne 5-0 contre Bruges. Le coach est hyper content mais relativise. Moi, en Belgique, je savais que Bruges, c’était fort. Le week-end, il laisse la même équipe. On gagne 5-0 contre la Lazio. À partir de là, j’ai plus raté un match. Quand il me demandait si j’étais fatigué, je lui disais: « Non coach, je suis bien. » Dans ma tête, j’étais mort, mais dès qu’il était là, je sortais les pecs (rires).

« Les entraînements avec Benitez, c’était déjà très poussé, mais Sarri, c’est du genre à te faire des onze contre zéro à l’entraînement. Tu te bats contre des plots »
Que t’a apporté Sarri ?
Une autre vision du football. Surtout au niveau tactique. Les entraînements avec Benitez, c’était déjà très poussé, mais Sarri, c’est du genre à te faire des onze contre zéro à l’entraînement. Tu te bats contre des plots (rires). Tu regardes le terrain, tu ne comprends pas, tu pètes un plomb. Lui: « Aujourd’hui, c’est tactique. Que les défenseurs et les milieux. Le plot là, c’est pour ça, et toi tu dois courir comme ça. »

L’arrivée de Sarri coïncide avec ton choix de répondre favorablement à l’appel du Sénégal. Tu as donc fini par écouter Kara Mbodj. Pourquoi ?
Cela n’a pas été facile. J’ai consulté tout le monde, ma femme, mes parents, mes frères et sœurs. Ma famille était divisée, mon agent me conseillait d’attendre. Aliou Cissé m’appelait et me répétait qu’il me voulait. J’avais 24-25 ans et l’envie de jouer en équipe nationale. Avec les Bleus, ce n’est jamais allé plus loin que la présélection. Inconsciemment, c’est ma femme qui m’a fait choisir en me disant que cela rendrait fiers mes parents. Et effectivement, ils avaient des étoiles dans les yeux. Moi, je me sens français, mais je suis aussi sénégalais. À la maison, on parlait le peul. Et puis quand on ouvrait la porte, qu’on sortait, hop!, on se mettait en mode français.

Six mois plus tard, Didier Deschamps parlait de toi au CFC. As-tu des regrets depuis ?
Aucun. J’ai grandi avec les deux cultures. Mes parents viennent d’un petit village à côté de Matam. Quand j’y allais plus jeune en vacances, ils me disaient: « T’es le petit Français. » Et quand tu reviens en France, t’es sénégalais. Tout le monde te rappelle tout le temps d’où tu viens. Moi, je suis heureux de représenter le Sénégal. Je veux maintenant rendre les Sénégalais encore dix fois plus fiers que les Napolitains.

Comment tu juges le Sénégal à l’orée de ce Mondial ?
Même si on est davantage outsiders, notre groupe est homogène. La Pologne, la Colombie sont des équipes habituées de la coupe du monde, le Japon y a aussi davantage participé que nous. Il faut être humble et commencer par passer le groupe. Après, on verra. Sur des matchs à élimination directe, il peut tout se passer. Aux éliminatoires et à la CAN, notre style de jeu fonctionnait bien: presser haut, récupérer le ballon et, quand on l’a, essayer de vite trouver les attaquants. Sadio est un joueur d’instinct. Ce qui est bien avec lui, c’est qu’il ne calcule rien. C’est un gars qui écoute aussi, c’est ça qui fait sa force. De Metz à aujourd’hui, il a énormément progressé. J’espère qu’il aura le Ballon d’or africain après la coupe du monde car il le mérite.

Il te passe à l’entraînement ou pas ?
Jamais (rires). Non mais on n’a pas souvent l’occasion de jouer l’un contre l’autre. On verra pendant le stage.

Pour finir, une question sur tes souvenirs de Coupe du monde. Quand as-tu vibré le plus, en 1998 ou en 2002 ?
Oh là là, horrible, cette question (rires). J’étais plus jeune en 98, j’avais 7 ans. J’ai fêté de fou, bien entendu, la France black-blanc-beur, les deux coups de tête de Zidane, mais en 2002, je t’avoue que j’étais vraiment sénégalais. On a regardé le match à l’école, et quand on a gagné, je suis sorti en bombant le torse. Après, il y a un match de poule et l’autre une finale. Ce n’est pas la même chose. Mais aujourd’hui, en tant que Sénégalais, je me dois de choisir la seconde option.

Auteur: So Foot

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