Les troubles de l’érection, un problème de santé publique ? Au Sénégal, les hommes sont nombreux à faire appel à des aides médicales ou traditionnelles dans la chambre à coucher. En jeu, leur position de chef de famille.
Mains dans les poches et regard fuyant, Alassane, 47 ans, se confesse : s’il est dans le cabinet de ce marabout-guérisseur, quartier Yoff à Dakar, aujourd’hui, c’est bien parce qu’il est « désespéré ». « Dans ma jeunesse, j’étais très fougueux au lit, mes copines aimaient beaucoup cela. Mais depuis que j’ai épousé ma seconde femme, je n’arrive pas à lui faire l’amour. » Pas faute d’envie, pourtant, mais voilà, soupire Alassane, « ça ne veut pas ».
Ce problème de troubles érectiles, Alassane n’est pas le seul à en souffrir. A en croire le marabout guérisseur que le quarantenaire est venu consulter, il toucherait même « la majorité » des Sénégalais. « Ici, dans le pays, la fatigue empêche les hommes de bien satisfaire leur femme au lit. De plus en plus viennent me consulter pour régler leur impuissance sexuelle. »
Potions, bijoux envoutés ou prières, le traitement proposé par ce marabout prend différentes formes. « Je m’adapte en fonction du patient. Pour certains, la source du mal est si profonde qu’il faut plusieurs rendez-vous avant que ce soit réglé. » Alassane, lui, se voit prescrire une bouteille de potion. Un liquide aux vertus supposément stimulantes, composé d’un mélange de plantes sénégalaises, chinoises et indiennes qui ferait des miracles. « C’est une recette que je prépare moi-même depuis des années, et que j’ai appris auprès des plus grands dans mes formations. Mes patients en prennent et me disent : « C’est un miracle, je suis libéré ! »
Problème « de santé publique »
Coût de la séance, un peu plus de 100.000 francs CFA (150 euros). Une somme très conséquente, qu’Alassane débourse sans broncher : « C’est peu par rapport au bien que cela m’apporte. Ca me permet de reprendre ma place d’homme à la maison. »
Un discours que le docteur Racine Kane connait bien. « Les troubles de l’érection, c’est un problème de santé publique ! » Des patients en quête d’un regain de virilité, cet urologue en fonction à la clinique de la Madeleine en accueille des centaines tous les ans. A chaque fois, c’est la même rengaine : « ils sont paniqués dès qu’ils pensent avoir des troubles de l’érection. Pour les Sénégalais, si tu ne peux pas bien faire l’amour, tu n’es pas un homme. »
Une obsession de la performance, qui explique que plus de 50% de ses consultations tournent autour du sujet. « Certains ne souffrent même pas vraiment de dysfonctionnement érectile ! On parle d’impuissance quand le patient ne réussit pas, de façon régulière et répétée, à avoir des rapports. J’en ai qui viennent alors qu’ils n’ont pas fait l’amour depuis six mois, un an. »
Une clientèle plus jeune
Le planning du docteur Kane est en permanence complet, avec parfois plus d’un mois d’attente. Et l’âge moyen des patients n’a de cesse de diminuer. « J’ai des jeunes de 25 ans qui viennent me voir, alors que les troubles de l’érection n’interviennent normalement que des années plus tard. » Sauf en cas de problème médical annexe – notamment du diabète -, ces jeunes doivent généralement leurs troubles au stress. « Dans ce cas là, on leur fait suivre une approche psychothérapeutique. Le viagra ne leur servirait à rien. »
Les médecines traditionnelles et les marabouts-guérisseurs, le docteur Kane ne sait pas vraiment quoi en penser. « Beaucoup de mes patients, avant de me consulter, ont essayé ces remèdes. Sans succès… Mais les vrais marabouts, qui ont suivi des bonnes formations, peuvent être utiles au patients. Le problème, c’est ceux qui n’en ont pas fait. »
Un commerce fructueux
Selon le docteur Kane, le marché des dysfonctionnements érectiles serait une mine d’or, et même « le plus fructueux domaine dans la médecine ». De quoi donner des idées à certains Sénégalais. Et tant pis s’ils ne possèdent pas la moindre notion en médecine. Aidara, 27 ans, fait partie de ceux-là. Cet ex-employé d’un bureau de change est catégorique : depuis qu’il s’est reconverti dans le marchandage de remèdes « pour la puissance sexuelle », ses revenus ont « au moins triplé ».
« L’efficacité est prouvée. Mes clients sont tous satisfaits et reviennent pour se réapprovisionner« , assure Aïdara. Boissons à bases de plantes, poudres excitantes parfumées au gingembre ou à la menthe, crèmes chauffantes pour « intensifier le désir »… L’inventaire de ses concoctions est aussi large que la liste de promesses de guérison. « Une bonne potion, ça aide à la puissance sexuelle pour être fort au lit et tenir longtemps pour bien satisfaire sa femme », jure-t-il. A l’en croire, cela marcherait aussi pour soigner les ulcères, les règles douloureuses ou les hémorroïdes. « Il suffit d’avoir confiance », sourit le jeune homme. Et d’y mettre le prix. « Généralement, c’est autour de 15.000 francs CFA (23 euros, NDLR) la bouteille ou le sachet de plantes. «
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