Les morts ont droit à tous les honneurs. De la part de ceux qui les chérissent, mais de ceux qui les haïssent aussi. Témoignage après témoignage, la mort, sous nos tropiques, est ce moment qui rassemble, qui tait temporairement les adversités, mais qui donne libre court à une hypocrisie bien sénégalaise.
Que n’a-t-on pas dit de Djibo Kâ de son vivant ? Quel est le Sénégalais qui n’aura pas critiqué l’ancien ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et ministre de l’Education sous le règne socialiste ? Décédé ce 14 septembre 2017, Djibo Kâ passe désormais pour un saint, à la lumière des témoignages qui se suivent et se ressemblent. Un homme d’Etat qui a été au cœur du pouvoir, de Senghor à Macky Sall en passant par Diouf et Wade, il est le prototype achevé des hommes politiques sénégalais qui s’accrocheront au pouvoir tant qu’il leur reste un souffle de vie. Les cas d’Abdoulaye Wade, d’Ousmane Tanor Dieng ou encore de Moustapha Niasse sont assez édifiants pour illustrer ce pouvoirisme caractérisé chez les hommes politiques sénégalais, d’une manière générale.
Ici, c’est moins les réactions légitimes mais plus le caractère intéressé, voire hypocrite de certains témoignages, qui refroidit plus que l’annonce glaciale de la mort d’un député sortant, le jour même de l’installation d’une nouvelle législature. Un perturbateur, un homme controversé, feu Djibo Kâ l’aura été jusqu’au bout, lui fallut-il plonger la nouvelle Assemblée nationale, en cours d’installation, dans l’émoi.
En voulant porter une loi contre la transhumance des hommes politiques, sous Macky Sall, l’homme finit par se perdre dans son propre jeu en devenant lui-même un symbole de cette transhumance politique, lorsqu’il annonce son départ des rangs de l’opposition, en 2015, pour rejoindre le camp du pouvoir dirigé par Macky Sall qu’il ne ménageait dans ses critiques. Jamais avec les perdants, toujours aux côtés des tenants du pouvoir quels qu’ils soient. C’est ce que certains appellent grossièrement, “servir l’Etat”. Ça aussi, c’est du Djibo, un «Kâ» de conscience, un «Kâ» d’école pour la jeune génération d’hommes politiques qui se cherche des repères.
Mais ce qui mérite d’être retenu de son parcours en dents de scie, c’est sans doute son courage politique, notamment sa démission du Parti socialiste (Ps) à la veille de la présidentielle de 2000 pour mettre en place l’Union pour le renouveau démocratique (Urd), laquelle ouvrait de nouvelles pages de l’histoire politique au Sénégal en devenant, de fait, la troisième force politique au sortir des législatives de 1998, avec 11 sièges de députés, derrière le Pds et le Ps, alors au pouvoir.
Moment de recueillement, d’hommages, de témoignages. Sincères, s’il vous plait ! Les morts n’en demandent pas moins. A défaut, le silence.
Repose en paix, Djibo !
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