Le nombre de femmes célibataires révélé par le rapport de « Family Optimize », bien que faux, nous a interpellés. Dans un pays où l’écrasante majorité de la population est musulmane, se limiter à constater cet état de fait et en rire serait assez anodin. Il nous faut aller ainsi au-delà de ces chiffres pour découvrir ce qui se cache derrière le choix « délibéré » du célibat, lequel est devenu un véritable problème de société. Sunubuzz vous apporte quelques éléments de réponse.
Le régime de la polygamie, bien que choisie par la plupart des couples, semble de plus en plus démodé
Dans un pays comme le Sénégal où plus de 90% sont musulmans, le célibat ne devrait pas normalement être épousé. Une seule option fortement recommandée par l’Islam pouvait absorber ce nombre si elle était appliquée par tous : la polygamie.
Mais le fait est que non seulement les hommes ne se marient plus comme avant, mais aussi le régime de la polygamie, bien que choisie par la plupart des couples à l’état civil, semble de plus en plus démodé. Les raisons peuvent être aussi bien d’ordre structurel (sociologique) que conjoncturel (social).
Lors de sa campagne électorale en février 2012, Sunubuzz rappelle que le candidat Macky Sall promettait aux femmes : « après mon accession à la magistrature suprême, les garçons auront du travail et ainsi les jeunes filles pourront se marier ».
De cette déclaration apparaît un étroit rapport de causalité entre l’emploi et le mariage. Beaucoup de jeunes relèguent le mariage au second plan parce qu’ils ont des difficultés de faire joindre les deux bouts. A cause de la conjoncture difficilement tenable, nombre de jeunes squattent dans les maisons familiales au lieu de trouver un logement où ils ne pourraient même pas résider avec leur conjointe au moment opportun.
Dans un pays où le taux de chômage atteint les 15,7% et tourne autour de 18,6% en milieu urbain, le mariage apparaît comme un « suicide » social. Contrairement aux temps anciens, la majeure partie des hommes célibataires font de l’emploi un préalable à toute union.
Eviter le mariage pour garder son autonomie
A y voir de près, le choix du célibat chez les femmes n’en est pas vraiment un : il est, pour le plus grand nombre, conjoncturel. Si pour certaines la raison principale est l’incompatibilité, la recherche du « nawlé » (l’égal en wolof) pour d’autres c’est la quête de la personne parfaite qui sous-tend leur inlassable attente. Mais entre ces deux catégories, il y a un troisième lot qui évite le mariage de peur de perdre leur liberté ou autonomie.
En effet, nombre de femmes qui ont réussi leur vie du point de vue économique ne sont pas prêtes à supporter le fardeau du ménage. Ces femmes qui se veulent autonomes abhorrent être sous tutelle ou pire encore sous les ordres d’hommes capricieux. Le mariage est véritablement un goulot d’étranglement pour ces autres dames fortunées qui devront faire face au poids de la belle-famille.
Du point de vue sociologique, le mariage est un moyen d’ascension sociale pour la plupart des filles de classe moyenne ou pauvre qui rêvent de vivre le pacha à tout prix. Et cela passe infailliblement par une union avec un homme aisé qui devient un « must ».
Elles pourront ainsi clouer le bec aux envieux du voisinage contre lesquels elles n’ont cessé d’avoir une dent. Voilà comment des garçons en arrivent à faire frais de l’égo démesuré de certaines familles qui peuvent tout simplement rendre une dot parce qu’elle serait en deçà de celle d’unetelle.
On assiste ainsi à une véritable vente aux enchères où la main de la fille est accordée sans hésitation aux plus fortunés, aux plus offrants. Alors que plus de la moitié de la population du Sénégal est pauvre (6,3 millions selon la Banque mondiale en 2011), une jeunesse désœuvrée ne peut pas s’assurer les trois repas quotidiens encore moins assurer les normes de vie standards à leurs futures conjointes.
L’autre raison qui peut expliquer le nombre de femmes ayant épousé le célibat est le taux très élevé de divorce (2,5% à Dakar en 2014). Chat échaudé craignant l’eau froide, beaucoup de femmes issues de ménages polygames s’érigent contre le régime de la polygamie dont elles ne cessent de faire un mauvais procès.
Il va de soi que la dure expérience peut conduire à une prise de distance par rapport à la chose vécue. De ce point de vue, les petites querelles entre co-épouses dans un foyer polygame contribuent à forger la conscience des enfants et des futures femmes qui finiront par se faire une religion par rapport à ce type de mariage.
Il suffit de faire une petite enquête autour de soi pour se rendre compte de l’évidence. Beaucoup de filles préfèrent le célibat à la position de seconde épouse même si la tendance a paradoxalement évolué chez d’autres, ce qui est motivé par des raisons mentionnées plus haut.
Ainsi dit, le régime du célibat n’est pas une préférence pour les femmes car la plupart en sont condamnées soit par des considérations conjoncturelles soit par des raisons structurelles.
Ababacar GAYE
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