Le verdict a été prononcé le 1er juin 2023 à la Chambre criminelle de Dakar dans l’affaire impliquant Ousmane Sonko et Adji Sarr. Le chef du parti Pastef a été déclaré coupable de corruption de la jeunesse et condamné à une peine de deux ans de prison ferme. Voici les raisons avancées par le juge pour justifier cette décision.
L’opposant politique a été condamné à deux ans ferme, pour corruption de la jeunesse. Les faits de viol et de menaces de mort n’ont donc pas été retenus par la chambre criminelle du Tribunal de Dakar, ce 1er juin 2023. La propriétaire du salon de massage, Ndeye Khady Ndiaye, écope également de deux ans de prison ferme pour incitation à la débauche.
Le jugement numéro 67 du 1er juin 2023 de la Chambre criminelle de Dakar revient sur les raisons de cette disqualification bien qu’il ait retenu des conjonctions sexuelles entre Ousmane Sonko et Adji Sarr.
« Il est constant comme résultant des propres déclarations de Ousmane Sonko devant le juge d’instruction qu’il s’est rendu à plusieurs reprises au salon Sweet Beauté pour des séances de massage. (…) Adji Raby Sarr a constamment soutenu qu’à la fin de chaque séance de massage, Ousmane Sonko exigeait d’elle des faveurs sexuelles, notamment les 21 décembre 2020, 31 décembre 2020, 11 janvier et 2 février 2021″, lit-on dans l’arrêt rendu par le juge et dévoilé par L’Obs.
« Il y a injonctions sexuelles répétées entre Ousmane Sonko et Adji Sarr… »
« Il n’est pas discuté que dans la nuit du 2 février 2021, Ousmane Sonko a bénéficié d’un massage avec quatre mains de la part de Aïssata Ba et Adji Raby Sarr et qu’en un moment donné, cette dernière qui a demandé à Aïssata Ba de quitter la cabine, y est restée seule avec lui pendant presque une demi-heure. Il apparaît de l’instruction et des débats d’audience que quelques instants après le départ de l’accusé Ousmane Sonko, le gynécologue Alfousseyni Gaye, en compagnie de Sidy Ahmet Mbaye, s’est présenté sur les lieux pour conduire Adji Raby Sarr à l’Hôpital Général Idrissa Pouye (Hogip) où elle a été examinée par ce médecin qui, après avoir constaté, dans son rapport du 3 février 2021, l’absence de lésion vulvaire et l’existence de déchirure ancienne de l’hymen sur 3h, 7h et 11h, a fait des prélèvements, en vue d’un test ADN, dont l’analyse par le laboratoire de biologie médicale de l’hôpital a établi la présence de spermatozoïdes vivants, comme en atteste la lettre du 19 décembre 2022 du chef de service dudit centre. »
« Cette découverte de spermatozoïdes vivants dans le v… de Adji Rab Sarr, suite aux prélèvements effectués dans un temps très voisin de l’intimité entre cette dernière et l’accusé Ousmane Sonko, conforte la thèse de l’existence d’une conjonction sexuelle», lit-on sur le jugement numéro 67 du 1er juin 2023 de la Chambre criminelle de Dakar. »
Le consentement de Adji Sarr pour écarter le viol
Le juge poursuit : «Adji Raby Sarr dont le téléphone était en mode haut-parleur a dit à son interlocuteur de venir la chercher en lui précisant que l’accusé Ousmane Sonko a éjaculé. Le comportement de ce dernier qui a accepté de rester seul avec Adji Raby Sarr dans la cabine, le 2 février 2021, après le massage quatre mains qu’il a sollicité, et cela pendant une trentaine de minutes, démontre qu’il attendait les faveurs sexuelles dont il bénéficiait à la fin de chaque massage. Lesquelles sont à l’origine de cette éjaculation. »
« Le test d’ADN aurait pu innocenter Sonko »
« Qu’il s’y ajoute que l’attitude de l’accusé Ousmane Sonko qui refuse, sans aucun motif sérieux, de se soumettre à un test de comparaison ADN qui aurait pu le disculper de tout soupçon, prouve qu’il est conscient du risque de la conformité qui peut s’établir entre l’acte de pénétration sexuelle incriminé du 2 février 2021 et l’accusation portée contre lui. Il s’agit donc d’un refus éloquent qui conforte davantage les allégations de la victime selon lesquelles l’auteur de l’acte de pénétration sexuelle ayant laissé le sperme trouvé dans son vagin est l’accusé Ousmane Sonko. L’existence de cette conjonction sexuelle du 2 février 2021 combinée aux constatations du gynécologue qui fait état de déchirures anciennes de l’hymen en décrivant la forme, (3 h, 7h et 11h), cadrent avec les déclarations de Adji Raby Sarr sur l’existence de rapports sexuels répétés. »
« Pour les circonstances de violence, contrainte, menace ou surprise, il y a lieu de relever que d’après l’accusation, les faits ont toujours eu lieu dans le salon de massage où il y avait, à chaque fois, la présence d’autres personnes, alors qu’aucune d’entre elles n’a, une seule fois, constaté ou soupçonné un élément pouvant laisser penser que Adji Raby Sarr a pu être victime d’une violence sexuelle qu’elle n’a d’ailleurs jamais dénoncée. Le simple fait d’informer Sidy Ahmed Mbaye qu’elle ne voyait que rarement, ne peut témoigner de sa volonté de procéder à une dénonciation, d’autant que personne, dans son entourage immédiat, n’a constaté, en elle, un changement de comportement ayant un lien avec les faits. (..) Il n’y a aucune certitude que ce fait a pu moralement contraindre Adji Sarr à accepter les rapports sexuels répétés ».
Pourquoi la corruption de la jeunesse a été retenue
« Même s’il résulte de tout ce qui précède, que les relations sexuelles étaient consenties, il reste que le déroulement des faits discutés à l’audience, le cadre ainsi que l’engrenage infernal dans lequel l’accusé a placé Adji Sarr en l’habituant au sexe et à l’argent par des remises de montants distincts du cot du massage, démontent qu’il posait des actes tendant à favoriser la débauche chez la jeune fille. Mieux, il a été relevé dans les faits d’attentat aux mœurs par incitation à la débauche reprochés à sa co-accusée, Ndèye Khady Ndiaye, que le salon Sweet Beauté qu’il fréquentait habituellement est un local où des jeunes filles inexpérimentées et sans qualification professionnelle dont Adji Sarr sont recrutées et mises à la disposition de clients qui, en réalité ne cherchent que du plaisir sensuel ou érotique. »
« Sonko fréquentait les salons pour des raisons autres que le massage »
« Sa fréquentation habituelle de ce milieu, l’accusé Ousmane Sonko ne saurait commettre l’erreur de confondre une structure habilitée à faire du massage thérapeutique avec un lieu comme Sweet Beauté dont le décor déjà expliqué et le service proposé aux clients sous l’appellation de massage ne laissent aucun doute sur les pratiques contraires aux mœurs qui s’y déroulaient. Ce faisceau d’éléments prouve de manière incontestable que Ousmane Sonko fréquentait les lieux pour des raisons autres que le massage, que l’éjaculation qui a été à l’origine du prélèvement effectué par le gynécologue sur Adji Sarr achève de convaincre sur les actes impudiques auxquels il se livrait dans ses relations avec cette dernière alors âgée de moins de 21 ans au moment des faits. »
Pourquoi la thèse du complot a été écartée
« Malgré la gravité des charges, Ousmane Sonko n’a jamais voulu se défendre sur les faits, mais tente d’éluder sa responsabilité en parlant de complot que cependant, comme l’a souligné le magistrat instructeur, dès lors les éléments et les personnes qu’il invoque dans sa théorie du complot ne sont pas intervenus dans la commission des actes positifs, notamment le conduire sur les lieux, obtenir son sperme ou choisir la victime, ils n’ont aucun impact sur la matérialité des faits. Qu’ainsi, en se rendant volontairement et à maintes reprises au salon «Sweet Beauté» pour des actes lubriques sur la jeune Adji Raby Sarr, Ousmane Sonko a corrompu les mœurs de cette dernière. »
« Qu’en somme, les faits de crime de viol initialement retenus contre l’accusé Ousmane Sonko s’analysent mieux en délit d’attentat aux mœurs par la corruption de la jeunesse prévu et puni par l’article 324 alinéa 2 du code pénal (…). Il s’ensuit restituer aux faits leur exacte qualification conformément à l’alinéa 1 de l’article 294 du Code de Procédure pénale (…). Ce qui signifie que la juridiction doit donner aux faits leur exacte qualification en vérifiant si les faits matériels soumis à son appréciation à défaut de correspondre à l’infraction de saisine, revêtent une autre qualification pénale qu’elle doit retenir en procédant à une requalification ou à une disqualification. Qu’en conséquence, il y a lieu de disqualifier les faits de crime de viol initialement reprochés à l’accusé Ousmane Sonko en délit d’attentat aux mœurs par corruption de la jeunesse et de le déclarer coupable de ce chef. »
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