Khalifa Sall – Karim Wade : les mystères de Massalikoul Djinane

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L’ancien député-maire de Dakar, Khalifa Sall, a été gracié et a regagné son domicile dimanche soir. Cette décision intervient deux jours après qu’on a vu les présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall posant ensemble, lors d’inauguration de la grande mosquée Massalikoul Djinane de Dakar. Il semble qu’on dirige inexorablement vers une volonté d’apaisement du climat politique. Quand les deux présidents qui, jusqu’à récemment se regardaient en chien de faïence, se retrouvent et que Khalifa Sall recouvre la liberté, on peut imaginer aussi des lendemains chantants pour Karim Wade dans les mois ou même des semaines à venir. Un motif d’inquiétude pour certains Sénégalais étant donné la particularité du dossier Karim Wade.

L’inauguration en grande pompe de la grande mosquée mouride Massalikoul Djinane de Dakar, ce vendredi 27 septembre 2019, semble avoir provoqué une pluie de bénédictions sur le Sénégal et transformer les cœurs de pierre en cœur de chair. Cette mosquée qui trône majestueusement au quartier Bopp de Dakar nous a plongé vendredi, quelque peu dans l’ambiance du mytique Magal de Touba. Ce fut un moment d’intense ferveur, de piété, de gaieté et de retrouvailles. Une inauguration qui s’est déroulée dans la communion de la communié mouride.

Cerise sur le gâteau, on a surtout vu un acte politique fort entre deux personnalités politiques. En effet, le président Abdoulaye Wade qui depuis 7 ans était dans une guerre contre son successeur Macky Sall, ont pu se rencontrer à cette occasion, et ont posé ensemble, tout souriant devant les caméras de télévision et les objectifs des appareils. Cette rencontre sonne, selon toute vraisemblance, le début de la fin de la crispation entre les deux anciens compagnons politiques. Mais peut-être pas avant l’amnistie et le retour au bercail de Karim Wade qui demeure la pomme de discorde entre les deux hommes d’État. Pour sûr, le courant semble avoir bien passé entre les deux présidents que Macky Sall, le président en exercice a dû embarquer, Abdoulaye Wade, son prédécesseur dans sa voiture officielle afin de le raccompagner jusqu’à sa demeure. Un geste fort significatif.

Les grâce de Massalikoul Jinaan n’étant pas limitées, ce dimanche soir, c’est un décret signé du président Macky Sall qui est rendu public, et annonçant la grâce de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall et ses co-accusés, emprisonnés depuis mars 2018. Khalifa Sall était condamné à 5 ans de prison ferme pour «faux et usage de faux sur des documents administratifs», «association de malfaiteurs», «escroquerie portant sur les deniers publics», «détournement de deniers publics» et «blanchiment de capitaux». Mais ses partisans n’ont de cesse de défoncer un procès purement politique.

Même si aujourd’hui, ils peuvent se réjouir. Cette « libération est dans l’air du temps», selon une source de la présidence cité par France24. La libération de Khalifa Sall est certes saluée  par beaucoup de Sénégalais, mais pour certains, il faut aller plus loin. « Maintenant, on peut dire que ce n’est qu’un début, il faut aller jusqu’au bout : l’amnistie et le recouvrement de tous ses droits. Qu’on lui remette son mandat parlementaire et sa mairie ; son adjointe a bien géré la ‘vacance’ du pouvoir », estime l’éditorialiste Demba Ndiaye.  A la présidence de la République

Le «deal» de Massalikoul Jinaan 

Dans la suite de ces grâces de Masalikoul Jinaan, il faudra certainement s’attendre que l’amnistie soit accordée à Karim Meissa Wade «un exilé très particulier». Ce dernier a été placé en détention préventive à Dakar en avril 2013. Jugé avec d’autres co-accusés, Karim sera condamné en mars 2015 à six ans de prison ferme et à 138 milliards d’amende pour «enrichissement illicite». Ce verdict a été confirmé en appel en août 2015. Condamné en mars 2015 à 6 ans ferme et à 138 milliards de F.CFA d’amende pour enrichissement illicite, gracié puis exilé de force au Qatar par le pouvoir en place.

Grâcié par un décret présidentiel le 24 juin avec ses co-accusé, c’est nuitamment qu’il a quitté illico presto Dakar pour Qatar. Beaucoup parle d’exil forcé. Manifestement la condition de cette libération était que Karim s’éloignât du Sénégal. Toujours est-il que le mystère demeure entier sur le «deal». Mieux, la présidence avait précisé : «Cette mesure dispense seulement les condamnés de subir la peine d’emprisonnement restant à courir (…) Les sanctions financières contenues» dans le verdict prononcé en mars 2015 » et «la procédure de recouvrement déjà engagée demeurent». Cette décision est une «remise partielle » de peine, elle « n’efface pas la condamnation qui figure toujours dans leur casier judiciaire», avait indiqué le ministre de la Justice d’alors, Sidiki Kaba estimant que la grâce a été décidée par Macky Sall «pour des raisons humanitaires». Mais le temps a fait son œuvre et certainement tous ces propos seront reconsidérés.

D’ailleurs, si le président Sall n’a pas promis à Me Wade l’amnistie de Karim, on se demande bien pour quelle raison le pape du Sopi accepterait de s’afficher auprès de Macky Sall avec un aussi large sourire alors que jusqu’à récemment, il en voulu à mort Macky Sall d’avoir brisé le destin présidentiel de son fils en février dernier.   Il va falloir guetter les domiciles des Wade dans les tout prochains mois, voire les toutes prochaines semaines.  «Il faut être naïf pour penser que le deal scellé à Massalikoul Jinane ne concerne que la libération de l’ex-maire de Dakar. Le cas Khalifa est probablement plus « facile », moins casse-tête que le cas Karim». Le retour de Karim Wade à Dakar est peut-être proche. Son père avait déjà mis les choses en route pour lui avec le remaniement des instances du parti pour lui permettre d’hériter du parti. Un schéma qui a fait ruer les anciens barrons du Pds dans les brancards.

L’heure de la détente politique

En tout cas, ces différents gestes du président Sall vont apaiser la tension politique dans le pays et lui permettre de poursuivre la mise en œuvre de son PSE. L’élément perturbateur qu’il trouvera toujours sur son chemin, sera Ousmane Sonko qui a, lui, le don d’empêcher le régime de tourner en rond. A moins peut-être de trouver quelque chose à lui coller pour qu’il aille prendre la place de Khalifa Sall à Reubeuss. Le Khalif général des mourides, a certes forcé la main au président Macky Sall pour essayer de réconcilier les uns et les autres. Mais, le président Sall a avait récemment rappelé, alors que les demandes de grâce de Khalifa Sall par des citoyens se faisaient pressantes, qu’il était le maître des horloges. En d’autres termes, la décision de gracier Khalifa Sall, il la prendrait tout seul quand il voudra, sans avoir à subir l’influence ou la pression de qui que ce soit. Demba Ndiaye a quand même quelques inquiétudes dans son commentaire relatif à ce qui a pu se jouer à Masslikoul Jinane concernant le cas Karim Wade qui risque d’être un mauvais signal aux yeux des citoyens.

« Autant Khalifa a payé ce qu’on lui reprochait (un peu moins de deux milliards), autant Karim Wade reste devoir la bagatelle de quelques 137 milliards. On n’ose imaginer que le « deal » de Jinane prévoit de faire passer la condamnation pécuniaire dans la rubrique pertes et profits des deniers publics » s’inquiète l’éditorialiste.«Car, poursuit-il, si le recouvrement de ses droits civiques et politiques ne posent pas de sérieux problèmes moraux, l’effacement de l’ardoise que la CREI lui a collée serait un très mauvais signal en direction de tous les dépositaires de la chose publique : ‘’vous pouvez détourner, les deals politicards, confrériques sont là pour effacer toutes vos indélicatesses’’». Cette détente politique qui vise le gouvernement risque surtout d’ «ancrer dans l’esprit des citoyens que les politiciens sont des bandits de grands chemins qui se partagent comme ils veulent, quand ils veulent, les deniers publics », regrette le journaliste.

Le tour est déjà joué puisque la présidentielle est passée

En vérité, la libération de Khalifa Sall et probablement son amnistie comme celle de Karim, c’est une formalité pour le président Macky Sall. La présidentielle de février 2019 est passée. Le président Macky Sall a obtenu son deuxième mandat dès le premier tour. Il n’y a plus aucun risque que Khalifa Sall et Karim Wade soient libres de leur mouvement et soient à Dakar. Que ce soit Khalifa socialiste comme Karim, certains analystes restent persuadés que c’étaient de procès politiques qui leur ont été intentés pour les écarter de la course à la magistrature suprême en février dernier.

D’après ces observateurs et analystes politiques, les deux personnalités politiques étaient des challengers sérieux que redoutait Macky Sall.  S’il faut mettre un bémol à cette analyse, il faut reconnaître que si Karim Wade et Khalifa Sall avaient pris part à cette élection peut-être que le coup K.O dès le premier tour n’aurait pas été facile pour le président Macky Sall.

Aussi bien Khalifa Sall comme Karim Wade, 2019 étant perdu pour eux, s’ils sont amnistiés, leur prochain combat sera de retrouver leurs droits civiques et politiques leur permettant d’être dans la course lors de la prochaine présidentielle en 2024.

Par Noël SAMBOU

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