L’amour à trois, comment, pourquoi?

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Si beaucoup pensent au triolisme sans l’avouer, certains franchissent le pas et accueillent le temps d’une nuit ou plus une tierce personne dans leurs ébats. L’amour à trois, un bon plan?
« Lorsque Cédric, avec qui je suis en couple depuis dix ans, m’a dit, mi-sérieux mi-blagueur qu’il ne serait pas contre un plan à trois, j’ai tout d’abord cru à une plaisanterie », raconte Marine, 36 ans. « Et puis étrangement, l’idée a fait son chemin et c’est moi qui lui en ai reparlé quelques jours plus tard. La configuration était pour moi évidente, j’avais envie, je pense, de montrer à mon mari qu’un autre homme pouvait me désirer. Le faire avec son accord, en l’impliquant, c’était sans doute une manière de ne pas lui être infidèle. Trouver la bonne personne n’a pas été très difficile, on est passés par un site libertin et on s’est donné rendez-vous dans un bar, et plus si affinités. Et il y a eu affinités. »

« C’est un peu notre secret »
Elle se remémore: « Je garde de cette nuit un souvenir très doux et excitant. Quatre mains et deux sexes rien que pour moi, je vous laisse imaginer! Je crois qu’au final en revanche j’ai pris plus de plaisir que Cédric, qui ne savait pas forcément très bien comment trouver sa place. J’imagine qu’il aurait préféré que la tierce personne soit une femme. On ne l’a plus jamais refait et on n’en a plus trop parlé entre nous, mais je crois que ça nous a rapprochés, c’est un peu notre secret. Notre petite folie passagère. »

Si pour Cédric et Marine, le triolisme restera une expérience unique, d’autres couples s’adonnent régulièrement à des parties à trois. D’autres encore y pensent sans jamais franchir le pas ou peuvent également se déchirer en cas de désaccord sur la question. D’où vient ce fantasme de l’amour à plusieurs? Les hommes et les femmes l’abordent-ils de la même façon? Comment savoir si, confronté à la réalité, ce fantasme va perdurer? Témoignages et analyse.

Le souhait de plaire et de séduire la terre entière
« Je pense que nous avons tous en nous ce souhait de plaire et de séduire la terre entière! Ce n’est pas parce qu’on ne passe pas à l’acte que cela ne fait pas partie de nous et surtout, ce n’est pas parce qu’on le fantasme qu’on doit le faire », souligne en préambule Catherine Blanc, psychanalyste, sexologue et auteure de La sexualité décomplexée: 50 idées reçues… Revues et corrigées (éd.Flammarion).

« Il est bon de rappeler qu’un fantasme n’est pas nécessairement un but sexuel à atteindre. En langage analytique, le fantasme est une lecture du monde qui s’appuie sur les différentes étapes de notre histoire. Notre sexualité est animée par chacune de ses étapes, depuis notre naissance. Mais, pour donner un exemple, ce n’est pas parce que bébé, on rêve de dévorer sa maman, que l’on mange ensuite son partenaire. Même si en le couvrant de baisers, en pratiquant la fellation ou le cunnilingus, on assouvit d’une certaine façon ce désir d’absorber l’autre, dans un fantasme de fusion », poursuit la psychanalyste.

« Il faut se garder d’avoir une lecture hétéro versus homo »
Pour Catherine Blanc, le désir de faire l’amour à trois prend sa source dans la période oedipienne, « lors de notre première élaboration d’un scénario sexualisé, qui pose notamment la question de notre place face au couple parental. » « En fonction de nos scénarios personnels, la configuration, deux hommes et une femme ou deux femmes et un homme, varie: nous pouvons chercher à faire jouir la personne du sexe opposé devant une personne du même sexe que soi, comme pour symboliquement se prouver que le partage du père ou de la mère est possible, ou au contraire se confronter à un tandem du même sexe, pour asseoir une position unique. Être au centre du monde ou être celui ou celle qui doit partager, en somme. »

Le fait, donc, de souhaiter faire l’amour avec son conjoint et une autre femme ou sa conjointe et un autre homme n’est pas forcément un signe d’homosexualité non assumée, précise Catherine Blanc: « Il faut se garder d’avoir une lecture hétéro versus homo, les choses sont souvent beaucoup moins simples. La tierce personne que l’on introduit peut être symboliquement la mère, le père ou un membre de la fratrie, et ce indépendamment du sexe de cette tierce personne. »

Les hommes n’ont pas le monopole de l’amour à plusieurs
Quoi qu’il en soit, pour la sexologue, rêver de faire l’amour à trois n’est pas, comme on le présuppose souvent, le monopole des hommes. « Les hommes en parlent plus, oui, mais c’est parce que les femmes sont encombrées par la peur de l’idée qu’on se fait d’une femme en désir. Penser que seuls les hommes rêvent de l’amour à plusieurs serait cautionner que la femme n’a pas de désir propre, ce qu’on lui a fait croire depuis la nuit des temps. »

« Dès lors que la femme accepte qu’elle n’est pas là que pour faire jouir l’homme par devoir mais qu’elle est animée d’une envie de jouir et de faire jouir, l’envie de séduire plusieurs partenaires est présente. C’est souvent refoulé, mais ce serait absurde que de penser que la femme échappe à cette envie d’être désirée par plus d’une personne que son partenaire. »

« Une des meilleures nuits de notre vie »
Maria, 26 ans, est de ces femmes qui justement assument pleinement leur désir et n’hésitent pas à le faire savoir à qui de droit. « Je sais que je suis bisexuelle depuis mes 17 ans et j’ai eu une relation assez longue avec une fille. J’ai rencontré celui qui est aujourd’hui mon mari à l’age de 20 ans. Lui en avait 18. J’adore mon mari et j’adore faire l’amour avec lui, mais le corps d’une femme me manquait et lui n’avait jamais fait l’amour avec une autre que moi. »

« Deux ans et demi plus tard nous avons eu l’occasion de satisfaire nos envies en passant le week-end chez une ancienne amie de mon chéri. Ça c’est fait assez naturellement, après nous être endormis tous les trois sur le canapé. Elle avait déjà eu l’occasion de coucher avec une femme, elle savait donc que ça lui plaisait. En toute objectivité, ce fut l’une des meilleures nuits de notre vie, pour lui comme pour moi! Il n’y a pas eu de sentiment de laissé pour compte ou de mise de côté. Je ne l’ai pas fait pour lui faire plaisir, lui non plus, nous en avions autant envie l’un que l’autre. » Une expérience qui leur a tellement plu qu’ils ont depuis recommencé, avec un couple cette fois.

Ne pas « écrire une histoire qui n’est pas la sienne »
Être pleinement partant, une condition sine qua non pour Catherine Blanc. « Il n’y a pas de jugement moral à porter sur des pratiques sexuelles comme celles-ci. La sexualité ne doit pas être vue comme le lieu de tous les dangers. Ce qui est dangereux, c’est d’écrire une histoire qui n’est pas la sienne. Tout est possible dès lors que l’on sait ce qu’on fait et qu’on est dans le respect de soi et de l’autre. »

Un point que souligne également Margellina Kerjoant, thérapeute de couples: « De mon expérience, c’est très souvent une demande de l’homme, amenée plus ou moins directement. Et la femme ne dit pas toujours oui par désir profond, mais parce qu’elle a peur de ne pas combler son homme ou qu’elle a été abusée enfant et éprouve des difficultés à mettre des limites sexuellement. »

Dans ce cas, prévient la thérapeute de couple, rejointe en cela par Catherine Blanc, il peut y avoir des conséquences dramatiques pour le couple et celui ou celle qui s’est exécuté sous la contrainte. « On peut dire non à n’importe quel moment », insiste Catherine Blanc. « Se soumettre à cette expérience par peur de ne pas blesser ou décevoir l’autre, c’est d’une certaine façon le transformer en bourreau alors qu’il n’a souvent fait qu’exprimer une envie, sans pour autant vouloir l’imposer. Accepter en pensant que l’on va résoudre un problème de couple, c’est voué à l’échec. »

« La voir avec un autre était insupportable »
Sandra se souvient ainsi de cette nuit passée avec son ex et un autre homme, « un illustre inconnu », convié par son ancien compagnon « pour remettre du piment dans notre vie sexuelle et notre vie tout court ». « Ce fut une situation plus subie que désirée de ma part, j’ai du mal avec l’amour sans amour. Et, de fait, d’amour, il n’y avait plus. Ce ne fut pas traumatisant pour autant, l’occasion de constater que l’esprit peut aller gambader ailleurs pendant que la mécanique prend le relais. Mais dans mon cas, ce n’était ni un désir, ni même un fantasme, mais une -vaine- tentative de ‘sauver’ un couple ».

Stéphane, lui aussi, a cédé au souhait de sa compagne qui rêvait de se rendre dans un club échangiste. « Assez rapidement, un homme a retenu son attention et nous nous sommes retrouvés sur un lit tous les trois. Je me suis senti exclu. En lieu et place d’une relation sexuelle à trois, j’ai surtout été mis dans la position du voyeur. Dans un premier temps, cela m’a excité mais, très vite, j’ai été jaloux. La voir dans les bras d’un autre m’était insupportable. Je suis parti, ce qui a interrompu le processus. Nous nous sommes séparés peu de temps après. Je crois que notre couple n’allait pas bien en réalité, et que ça n’a été qu’un déclencheur. »

La confrontation au réel moins excitante que prévu
« Il est fréquent que la confrontation au réel s’avère bien moins excitante que prévu », confirme Catherine Blanc. Pour s’éviter une désillusion trop brutale, elle conseille à ceux et celles qui seraient tentés de « procéder par étapes ». « On ne gravit pas la montagne par la face nord! » Autrement dit, ne pas se priver des préliminaires, d’un premier rendez-vous, d’un dîner, etc.

« Il peut également être judicieux de tenter de se projeter dans l’après, dans le lendemain. Est-ce que, passée l’euphorie d’une envie, on assumera d’avoir partagé cela avec cette tierce personne, qui peut être un ou une amie. Est-ce que je pourrai gérer ce qui pourrait être raconté? »

Et de rassurer ceux ou celles qui prendraient cette requête de leur partenaire comme la preuve d’un manque d’amour: « Fantasmer une relation à plusieurs n’a pas grand chose avec l’amour, c’est lié au narcissisme inhérent à chaque individu. Mais plus on le perçoit comme une lassitude de l’autre, comme un manque d’amour pour soi, plus il est dangereux d’y aller. »

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