L’arbitre Clément Turpin n’a pas sanctionné la sortie du gardien lyonnais sur l’attaquant parisien. Une décision qui fait débat, même au sein du corps arbitral.
Un attaquant lancé comme une fusée, tamponné de plein fouet par le gardien de but… Le choc entre Kylian Mbappé et Anthony Lopes dimanche à la 31e minute du match Lyon-PSG (2-1) a été d’une grande violence. Le gardien lyonnais est sorti boxer le ballon, sur la gauche de sa surface de réparation, en heurtant très violemment l’attaquant au niveau du torse.
Le jeune attaquant parisien a chuté lourdement au sol, avant de quitter la pelouse sur civière, victime d’un traumatisme aux cervicales. Après la rencontre, il a été aperçu quittant le vestiaire avec une minerve autour du cou. Heureusement, son état médical n’inspirait pas d’inquiétude.
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— Anthony Woodman (@Anton75_) 21 janvier 2018
Ces images glaçantes, qui rappellent celles des duels Battiston- Schumacher (1982) ou Barthez-Ronaldo (1998), alimentent un vif débat depuis dimanche soir. Pourquoi l’arbitre, Clément Turpin, a-t-il choisi de ne pas siffler pénalty ?
« C’est une action compliquée à juger, analyse dans Le Parisien l’ancien arbitre international Bruno Derrien, qui a eu recours à plusieurs visionnages. Pour moi, il y a une sortie non maîtrisée du gardien qui peut entraîner un pénalty. »
Joël Quiniou, ancien arbitre international, n’est pas de cet avis. « C’est spectaculaire, on n’a pas l’habitude de voir des gestes comme ceux-là. Mais Lopes touche le ballon en premier. Son geste est tout à fait normal », a-t-il déclaré sur RMC. Et d’ajouter : « Si Mbappé avait touché le ballon en premier, on aurait dit que la sortie n’était pas maîtrisée. Là, il y a choc, mais c’est parfaitement involontaire. Pour moi, M. Turpin a pris la bonne décision ».
L’arbitre Saïd Ennjimi, invité sur la chaîne L’Equipe, pense comme Joël Quiniou. « Est-ce qu’on considère que le gardien n’a pas maîtrisé sa sortie ou est-ce que, comme je le pense moi, il n’avait pas d’autre solution ? », s’est-il interrogé. « Si on avait inversé le règlement et que M. Turpin avait donné penalty et carton rouge, on débattrait en ce moment sur sa sévérité. »
Un geste commis par « mégarde » ?
Les lois du football, publiées par l’International Football Association Board (IFAB), précisent que, dans le cas d’une faute où un joueur charge ou bouscule un adversaire, l’arbitre doit évaluer si elle a été commise par « mégarde », « imprudence » ou « violence ».
La faute par mégarde est commise par un joueur « qui dispute le ballon sans attention ni égard, ou qui agit sans précaution. Aucune sanction disciplinaire n’est nécessaire » dans ce cas, précise l’IFAB. Interrogé à l’issue du match, Anthony Lopes a donné une explication allant dans ce sens. « C’était une scène assez incroyable. (Mbappé) est complètement concentré sur le ballon, j’arrive, il ne me voit pas et il se tourne au moment où il y a l’impact. Je le prends en plein dans le thorax. Moi j’ai eu le temps de préparer mon geste et de me protéger un minimum mais lui non. Il est pris par l’effet de surprise. Ça m’a touché, vraiment », a expliqué le gardien lyonnais.
L’ancien gardien international Lionel Charbonnier, a une analyse équivalente. « Cette sortie n’a rien à voir avec Schumacher, a-t-il déclaré sur RMC. Lui n’avait visé que Battiston alors qu’il pouvait faire autre chose. Là, Lopes dévie la balle en premier et ensuite Mbappé ne le voit pas arriver. Mais les deux jouent le ballon. Il n’y avait pas l’intention de faire mal. »
Une sortie « imprudente » voire « violente » ?
Ceux qui s’étonnent que le geste de l’absence de pénalty sanctionnant la sortie de Lopes penchent davantage pour une faute commise par « imprudence » voire « violence ». L’IFAB parle d’imprudence quand un joueur « agit sans tenir compte du caractère dangereux ou des conséquences de son acte pour son adversaire ». Dans ce cas, il doit être averti.
Selon eux, dans la situation de Lopes, la faute sifflée à l’intérieur de la surface de réparation aurait donné lieu à un pénalty, voire un carton rouge, même si la « double peine » automatique n’est plus en vigueur depuis l’Euro 2016.
Plusieurs consultants sportifs et anciens joueurs ont souligné les conséquences potentiellement dramatiques de l’action de Lopes. « Lopes le tue ! Cette faute, c’est penalty et carton rouge… Et on ne sait pas de quoi souffre Mbappé… Il est sorti blessé. Il y a bien faute. Il l’agresse, c’est volontaire… C’est un jeu dangereux. Ça mérite un rouge, et ce n’est plus le même match… », s’est emporté Pierre Ménès sur Canal +.
Comme d’autres observateurs, il estime qu’il y a une faute commise avec violence, c’est-à-dire « un usage excessif de la force au risque de mettre en danger l’intégrité physique de son adversaire ». Dans ce cas, souligne l’IFAB, le joueur fautif doit être exclu.
Où s’arrête la « normalité » dans l’engagement physique ?
Entre la règle théorique et son application, il y a parfois une zone grise. Dans un document sur l’arbitrage publié par la FIFA, il est écrit qu’une faute, même commise par inadvertance, peut entraîner un pénalty en cas de contact physique. Toutefois si « un joueur joue de manière dangereuse pour une conquête “normale” du ballon, l’arbitre ne prendra pas de sanction disciplinaire ». Où débute et où cesse la « normalité » dans un sommet de la Ligue 1, marqué par un engagement physique est de très haut niveau ? Seul l’arbitre, dans le feu de l’action, est à même d’en décider.
Le Parisien
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