Sette Diagne, le principal accusateur du policier Mohamed Sidy Bougaleb, condamné pour le meurtre de l’étudiant Bassirou Faye le 14 août 2014, est lui-même en prison ! L’information était enfouie au milieu de faits divers scabreux dans les pages Société des quotidiens notamment L’Observateur du 10 octobre dernier. Bien évidemment, elle n’a pas échappé à la famille du policier Boughaleb. Elle n’est pas banale, car si le principal accusateur d’un homme condamné pour homicide est lui-même jeté en prison pour des choses aussi abjectes que la diffusion de la sextape de sa copine sur les Réseaux sociaux, cela relève assurément de la justice immanente. Surtout, à la lumière de ces faits qui l’ont conduit en prison, on peut douter de la crédibilité du principal témoin à charge dans l’affaire du meurtre de l’étudiant Bassirou Faye.
C’est le genre de détails qui sonnent comme une nouvelle espérance. Parce que pour la famille d’un fils, d’un frère, d’un parent jeté en prison pour un crime dont on continue à réfuter la paternité, chaque détail a son importance. Le nom de Sette Diagne, jeté à la chambre 10 de la prison de Kaolack pour une année, pour diffusion de la sextape de sa copine, n’a sans doute aucune signification pour le Sénégalais lambda, mais, du côté de la famille de Sidy Mohamed Bougaleb, dans la banlieue dakaroise de Thiaroye Azur, il a fait tilt. Pour cause, la très lourde condamnation à 20 ans de prison — une peine ramenée à 10 ans par la Cour d’Appel — de Sidy Mohamed Bougaleb reposait essentiellement, pour ne pas dire uniquement, sur le témoignage à charge de Sette Diagne.
Or, voilà que ce même Sette Diagne vient de prouver qu’il n’est pas un personnage particulièrement recommandable. Pour ne pas dire crédible. Ne voulant pas aller trop vite en besogne, nous avons fait des investigations sur l’identité du Sette Diagne condamné par le tribunal de Kaolack, histoire de voir s’il ne s’agissait pas d’une homonymie. Autant sur le dossier du meurtre de Bassirou Faye que sur l’affaire de Kaolack, les mêmes mentions ont été retrouvées. Il s’agit bel et bien du même Sette Diagne, né le 02 avril à Ndiawara Alkaly, fils de Amady Diagne et de Fama Sarr demeurant à Thiaroye sur mer.
Or, encore une fois, sur les 15 témoins appelés à la barre, seul Sette Diagne avait persisté et signé que le policier Boughaleb était l’auteur du tir ayant atteint mortellement l’étudiant Bassirou Faye.
Les positions versatiles de Sette Diagne
Dans ce curieux procès, et même durant l’instruction, les juges n’ont jamais pris en compte les témoignages des personnes assermentées comme les policiers qui étaient avec leur collègue sur le théâtre des opérations à l’université de Dakar, ni celui du chef de groupe qui a certifié que le policier Boughaleb a quitté les lieux de l’incident à 11 h pour aller se faire soigner à l’Ecole Nationale de Police. Ce des suites d’une blessure à la tête et d’une fracture à la main consécutive à un jet de pierres d’étudiants en furie. Boughaleb avait quitté l’infirmerie vers 12h 45 pour rentrer tranquillement chez lui à Thiaroye Azur. Le meurtre de Bassirou Faye a eu lieu entre 14h et 15h…
Ce qui avait sidéré les observateurs, c’étaient les témoignages versatiles de Sette Diagne. Des témoignages pleins d’incohérences. Cheikh Diop était la personne désignée dans les journaux au début de l’affaire comme étant l’auteur du tir. Sette Diagne parlait d’un gradé de 1,90 m de taille avant de se rétracter pour parler d’un gradé de 1,80 m. Il avait indiqué que le tireur portait un casque alors que Boughaleb, blessé à la tête ce jour-là, n’en portait pas. Le seul élément sur lequel Sette a été constant porte sur les deux appels émis avant le tir fatidique. Pour rappel, Sette avait soutenu que l’auteur du tir avait passé deux coups de fil avant de faire feu.
Le commissaire Ndiaga Diop, à l’époque chef des GMI de Dakar, a bien reconnu la réception des deux appels qu’il a transmis à sa hiérarchie. C’est bien Saliou Ndao qui était posté au pavillon E d’où est parti le coup de feu. Tombon Oualy, policier arrêté et incarcéré pendant de longs mois sous l’accusation d’avoir tué Bassirou Faye avant d’être innocenté, a déclaré au tribunal qu’il a bien vu son collègue Saliou Ndao braquer son arme en direction des étudiants.
Pourquoi cette arme n’a-t-elle pas fait l’objet d’une expertise balistique ? Pourquoi tous les agents en faction aux points D et E n’ont-ils pas été entendus ?
L’Agent judiciaire de l’Etat avait aussi demandé à Sidy Mohamed Boughaleb s’il ressemblait à quelqu’un d’autre dans la police. Ce dernier avait répondu « oui » avant de donner le nom de Cheikh Diop. L’agent judiciaire de l’Etat avait ajouté qu’il n’était nullement convaincu de la culpabilité de Sidy Boughaleb dans le meurtre de Bassirou Faye. La versatilité des positions de Sette Diagne décrédibilisait son témoignage.
Or en matière pénale, le jargon latin parle de « testis unis » « le témoignage unique » en indiquant qu’on ne peut pas condamner un accusé en se basant sur un seul témoignage parce que cela peut déboucher sur des erreurs ou être tacheté de vices. D’ailleurs lors du procès, un des avocats de Boughaleb, en l’occurrence Me Seydou Diagne, avait bien attiré l’attention des juges sur le danger attaché au témoignage d’un seul individu en écartant ceux de personnes assermentées comme les policiers présents sur le terrain. Un autre avocat du policier, Me Moussa Bocar Thiam, avait attiré l’attention du tribunal sur l’instabilité morale du seul accusateur. Les faits de la condamnation à un an de prison de Sette Diagne pour une affaire sordide lui donnent rétrospectivement raison à la robe noire.
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