Le contentieux entre Walf et Sonatel prend une autre tournure.
Sidy Lamine Niass accuse l’opérateur téléphonique Orange de vouloir museler les populations, à travers la suspension des serveurs vocaux de Walf-Fm Dakar et, auparavant, ceux des stations régionales de Kaolack, Touba, Mbacké et Kaolack. Une protestation est, à cet effet, annoncée pour le 7 décembre, jour de l’ouverture de l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd). De son côté, la Direction communication de Sonatel apporte des précisions.
Walf Quotidien : Sonatel a récemment coupé le serveur vocal de Wal Fadjri Fm avant de le rétablir sans explication. Qu’est ce qui s’est passé avec Orange ?
Sidy Lamine Niass : Sonatel est un partenaire économique qui joue son rôle pour la marche de la démocratie au Sénégal et nous saluons cela. En 2011 et en 2012, la Sonatel a injecté 150 millions de francs Cfa de publicité sur l’ensemble des supports du Groupe Wal Fadjri. Il y a eu une baisse en 2013, avec seulement 121 millions. Cette tendance à la baisse s’est poursuivie en 2014 car 120 millions de publicité ont été injectés à Walf, puis 90 millions en 2015. Ce n’est qu’en 2016 que la barre a été redressée, avec 110 millions en valeur publicitaire. Toutes ces années, le budget était géré par l’agence Mac Cann, sauf 2011 et 2012 où il a été piloté directement par Sonatel.
Les bisbilles avec la Sonatel ont débuté en fin 2016. Le problème de la dette qu’on payait régulièrement a été posé par cet opérateur, au sujet des antennes régionales. On a demandé à la Sonatel de trouver un moyen d’échange de marchandises pour épurer la dette, comme ils le font avec d’autres organes. Nous sommes dans la communication et Sonatel en a besoin, via nos différents supports. Mais ils n’ont pas répondu favorablement à notre proposition.
Après négociations, Sonatel décide d’injecter seulement 50 millions de publicité par an à Walf. Et c’était la première fois depuis 2011. En même temps, elle a réclamé 144 millions que Walf doit payer. Malgré tout, on a fait une proposition de paiement qui doit prendre en compte le poids de Walf dans le champ médiatique sénégalais, sa position suivant les sondages ainsi que l’importance du groupe de presse qui compte une télévision, une radio, le journal et le site internet. Mais rien.
Sur initiative de Sonatel, Walf doit payer à la signature 25 millions et quatre millions par mois. Cela est conclu dans un contrat libellé par son service juridique sans possibilité d’amender le document. Malgré tout, nous avons signé les yeux bandés. On a honoré le contrat de juillet à septembre de cette année. Mais en septembre, Sonatel a bloqué, d’autorité, les recettes obtenues par le canal du serveur. Alors que cela n’est pas stipulé dans le contrat. Ce n’est pas une pratique reconnue en matière de comptabilité et cela ressemble plutôt à une violation du contrat. Par la suite, une lettre de protestation a été adressée au Directeur général de Sonatel et celui-ci a pris l’engament de lever le blocage, d’autant plus que ses collaborateurs l’ont fait sans base légale. Tout cela est prouvé par des documents écrits en notre possession.
Les responsables de Sonatel ont pensé qu’il fallait passer à la vitesse supérieure, c’est-à-dire couper le serveur vocal de Walf-Fm Dakar. Ils nous doivent plus de 50 millions et tout est bloqué. Quand on les a contactés, ils n’ont pas réagi. Si Walf ne devait vivre que de ces redevances, le groupe allait cesser toute activité depuis septembre.
Ya-t-il un lien avec l’Artp avec qui Walf était récemment en conflit ?
(Il acquiesce par un signe de tête) Nous saisissons cette occasion pour poser un problème de fond, à savoir comment il faut gérer la publicité venant des sociétés étrangères. Quelle est la clé de répartition ? On veut une transparence dans la répartition des recettes publicitaires. Qu’est-ce qui amène à sanctionner le grand public ? Est-ce pour des raisons politiques pour régler des problèmes à caractère économique ? La Sonatel ne se positionne-t-elle pas comme bras armé de l’Artp ou le cheval de Trie du pouvoir pour sanctionner des organes de presse ? Sommes-nous dans une République ou dans une jungle où des parties prenantes se permettent de violer les termes d’un contrat à leur guise ? Nous voulons être éclairés sur toutes ces interrogations.
Vos positions tranchées vis-à-vis d’Orange ne sont-elles pas à l’origine de cette situation ?
Tout est parti du discours que je tiens, en tant que citoyen et intellectuel, sur Orange que je qualifie d’élément colonial qui continue d’accaparer les biens des Sénégalais comme à l’époque coloniale. Mon opinion sur ce point et l’argumentaire que j’émets dérangent Orange et les autorités sénégalaises. A plusieurs rencontres avec les responsables de Orange, on n’a même tenté de me faire croire le contraire, comme quoi Orange est un moyen économique pour mieux travailler en Afrique. Je n’y crois pas. Je continue à croire que le problème du Sénégal est celui de la décolonisation qui n’est toujours pas effective, surtout sur le plan économique.
Ce discours que j’exprime sous forme de prêche, n’a rien à voir avec la gestion. Les organes du groupe WalFadjri ne se sont jamais acharnés sur Orange. Ils sont tenus par des professionnels qui ne reçoivent d’orientation ni de directives dans le traitement de l’information. Je n’assiste même pas à leur réunion de rédaction. Les journalistes de Walf travaillent en toute indépendance et en toute impartialité et aucune ingérence n’est tolérée dans l’exercice de leur métier. Les responsables d’Orange ne veulent pas faire le distinguo entre le Pdg que je suis et le travail bien fait par les professionnels. Mes positions vis-à-vis de la France, c’est ma conviction que je continuerai à défendre. Nous avons un problème d’indépendance. C’est le point de vue de Sidy Lamine Niass et pas la ligne éditoriale de Walf.
Est-ce à Dakar seulement ou bien les stations régionales sont-elles aussi concernées ?
C’est une volonté de museler les populations, à travers les émissions Wax sa xalat. Ces émissions dérangent car plusieurs responsables politiques l’ont dit à plusieurs reprises. Il en a été ainsi durant le régime de Wade et celui de Macky ne fait pas exception à la règle. Quand les citoyens dénoncent les errements du pouvoir, cela influe sur les décisions des bailleurs de fonds. Ce qui se passe à Walf depuis une semaine, avec l’arrêt du serveur, n’est rien d’autre qu’une forme de musellement des populations. Et ce n’est pas la première fois d’ailleurs. Depuis plus d’un an, les serveurs vocaux des stations régionales de Walf-Fm sont coupés. Kaolack, Touba, Mbacké, Louga et Thiès n’ont plus de serveur vocal pour permettre aux populations de participer aux débats. Nous ne l’avons jamais dénoncé dans le seul souci de préserver le partenariat qui lie Walf et Sonatel. On l’a signalé par écrit plus d’une fois à qui de droit. Mais, c’est comme si ce sont les populations qui sont visées. Cela nous fait mal de perdre autant de moyens puisque le serveur génère 200 francs par appel répartis comme suit : 140 francs reviennent à l’organe de presse et les 60 francs à Orange.
Nous ne comprenons toujours pas ce qui se passe. Est-ce pour affaiblir financièrement le groupe Wal Fadjri en lui réclamant le paiement d’une somme aussi lourde ? Ou bien c’est parce que le public qui donne son opinion sur la marche du pays dérange qu’on a voulu sanctionner celui-ci ?
Quel plan de riposte Walf va-t-il enclencher ?
(Il hausse le ton, avec l’air sérieux) Je l’annonce solennellement : si les serveurs vocaux des stations régionales de Walf-Fm ne sont pas rétablis jusqu’au 7 décembre prochain, date de l’ouverture de l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd), nous allons organiser des protestations dans toutes les régions du pays, pour protester contre cette forme de musellement. Et même au niveau de Orange Kaolack, Mbacké, Thiès et Louga.
Pourquoi l’affaire atterrit-elle à Dinné ak Diamono puisque que le serveur vocal de Dakar est maintenant rétabli ?
(Sourire) Il aura fallu qu’une bande annonce soit diffusée sur Walf-Tv, annonçant une émission consacrée à la question, pour que les responsables de la Sonatel réagissent. On les avait saisis auparavant, mais aucune réaction de leur part. Dès le lendemain de l’annonce, la personne chargée de cela a indiqué que tout est maintenant rétabli. Mais cela ne va pas faire obstacle au débat où toutes les questions précitées seront évoquées. L’émission Diiné ak Diamono de ce jeudi consacrée au cas Sonatel aura bel et bien lieu à 21 heures, sur Walf-Tv. Une invitation en bonne et due forme a été adressée à la Sonatel, pour leur permettre de prendre part au débat et de faire valoir ses arguments s’il en a. On ne cherche pas à tirer sur les responsables de Sonatel ni à amener des gens qui vont profiter de l’occasion pour se défouler sur eux. On veut un débat équilibré et clair pour le bien de tout le monde et pour que l’opinion publique soit éclairée. Il ne sera pas question de se défouler sur qui ce soit. S’ils brillent par leur absence, nous le ferons constater par le public. C’est pourquoi prendront aussi part aux échanges un économiste, un juriste, entre autres.
Propos recueillis par Pape NDIAYE/Walf Quotidien
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