Tamba : Plongée au cœur du quartier de Pape Alioune Fall, le meurtrier présumé de Bineta Camara

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En prison depuis quelques jours, pour l’affaire Bineta Camara qu’il avoue avoir étranglée à mort, Pape Alioune Fall est «banni» par son quartier, Sara Guilèle où il vivait depuis sa naissance, en 1986. Dans cette localité de Tamba, la honte et la déception sont les sentiments les mieux partagés.

Samedi 25 mai, 8 heures passées de quelques minutes. Sara Guilièle se réveille sous une chaleur infernale. Le soleil dicte sa loi. C’est le début d’une longue et dure journée de Ramadan à Tamba. A cette heure de la matinée, le quartier est quasi désert. Seules quelques motos Jakarta, principal moyen de transport dans la localité, occupent le décor de la route principale.

L‘émotion se lit encore sur les visages des quelques personnes croisées dans la rue, une semaine après le meurtre de Bineta Camara. Ce crime odieux est sur toutes les lèvres.

«Honte»

Pour trouver le domicile du présumé du meurtre, c’est la croix et la bannière. «Pape Alioune Fall ? Je ne le connais pas», lâche cette dame, hésitante. Dans ce quartier, les populations semblent réticentes à afficher toute proximité avec celui qui aurait avoué son crime.

«Pour dire vrai, les gens ont honte même de parler de cette affaire. Ils sont tous abattus», murmure Mor Thiam, vigile d’une trentaine d’années, préposé à la sécurité d’une célèbre structure.

Deux cents mètres plus loin, trônent deux villas jumelles. C’est ici où habite Pape Alioune Badara Fall, le bourreau présumé de Bineta Camara.

Devant sa maison familiale, c’est le calme plat. A la porte, un jeune homme, la vingtaine environ, visiblement surpris par la présence d’un journaliste, rappelle la consigne. «Monsieur, ici, personne ne veut parler. Je vous suggère de ne pas entrer dans la maison; ce sera vain», conseille un jeune élève, l’air dépité.

Nous entrons quand même. A l’intérieur, une dame s’affaire aux tâches ménagères. Accueillante et souriante, elle finit par changer de garde : «Vous êtes journaliste ? S’il vous plait, le propriétaire de la maison ne veut pas parler», avance notre interlocutrice qui signale toutefois que le papa et la maman de Pape Alioune Fall sont bien à l’intérieur de la maison. Le seul hic, s’empresse-t-elle d’ajouter d’un ton sec, on ne peut pas les voir.

D’après des informations obtenues sur place, les éléments de la police de Tamba ont, pendant trois jours, assuré la sécurité du domicile familial de Pape Alioune Fall «en attendant que les ardeurs se calment».

«Déception»

Ses parents ont en tout cas une bonne réputation dans le quartier, selon des témoignages concordants. «Le père est très pieux, sa maman aussi. Ils sont sans histoire», souligne une proche de Bineta Camara.

Leurs relations avec Mala Camara, le père de Bineta Camara, sont vieilles. Ce dernier a confié à Seneweb que Pape Alioune Fall lui a été confié très jeune par son père.

«Les premiers jours du deuil, ils ne cessaient de fréquenter la maison de Malal Camara, mais, depuis que leur fils a avoué le crime, ils n’y ont plus mis les pieds. Ils ne sortent même presque plus, sûrement à cause de la déception», raconte Moustapha, un voisin.

Vers 12 heures, la vie semble reprendre à Sara Guilèle. Tantôt des groupuscules d’individus, visiblement fatigués par le soleil de plomb, entrent et sortent de la maison mortuaire pour présenter leurs condoléances. D’autres, plus jeunes, se sont assis sur une dizaine de chaises, installées à quelques jets de pierres de la villa des Camara. De l’autre côté, près du lycée Mame Cheikh Mbaye, l’ambiance est animée : c’est l’heure de la descente. Mais la mort de Bineta Camara plombe l’atmosphère.

«Trahison»

«Pape Alioune Fall a trahi tout le quartier, c’est pourquoi personne ne veut même plus prononcer son nom, regrette Moussa, maçon et ami d’enfance du meurtrier présumé. Son acte ignoble nous a tous mis dans une situation inconfortable. Il est banni par tous. Même dans les autres quartiers de la ville, on nous regarde comme si nous étions des meurtriers, depuis son arrestation par les policiers.»

Dieynaba Diallo, élève en classe de terminale, «regrette les circonstances de la mort de Bineta» qu’elle considérait comme sa grande sœur. «Depuis le jour des faits, raconte-t-elle, je ne parviens toujours pas à oublier cette fameuse découverte macabre, c’est vraiment difficile. Je vous le jure. Nous sommes déçus, c’est dégoûtant.»

Malal Camara, père de la victime, est meurtri, «très déçu». Il dit : «J’ai éprouvé un sentiment de déception lorsque j’ai appris que c’est Pape Alioune Fall qui a tué ma fille. Il m’a déçu parce que je ne m’attendais pas à un acte pareil de sa part. Il a trahi ma confiance.»

Pape Alioune Fall, jeune menuisier de 33 ans, est présenté comme un militant de l’Apr très engagé et loyal envers son leader, qu’il surnommait «Dg». Depuis un moment, son «fils adoptif» a commencé à changer montrer un autre visage. Il révèle : «Je reconnais que depuis quelques semaines, Pape Alioune avait un comportement étrange, il avait beaucoup changé. Je le voyais de moins en moins.»

Malick Diop, vigile de la maison de Malal Camara, se remet difficilement de ses émotions. Arrêté et placé en garde à vue quelques heures après le meurtre, Diop sera libéré et blanchi par Pape Alioune Fall, qui venait d’avouer son crime. Visiblement soulagé de pouvoir recouvrer la liberté et son poste, il confie qu’il aurait accusé tout le monde sauf «ce proche de la famille, qui mangeait et dormait dans la maison».

«Il était la dernière personne que j’aurais accusé d’être l’auteur de ce crime odieux. Je pensais à des étrangers, confie Malick Diop. Il était même venu me rendre visite à deux reprises au commissariat où j’étais placé en garde à vue.»

Placé sous mandat de dépôt, Pape Alioune Fall file tout droit vers les chambres criminelles. En attendant son procès tant attendu, à Sara Guilèle, son quartier natal, chacun y va avec ses propres spéculations sur les «vraies» mobiles de son acte présumé.

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