Témoignage de la femme de JP Adams, joueur né à Dakar et dans le coma depuis 36 ans (Vidéo)

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L’ancien footballeur international aura 70 ans le 10 mars. Depuis 1982, il vit dans un état végétatif suite à un accident survenu lors d’une banale opération du genou. A Caissargues (Gard), son épouse Bernadette veille sur lui sept jours sur sept.

En ce mercredi de février, Bernadette Adams est debout depuis 4 h du matin. “Aujourd’hui, dit-elle, il n’est pas bien. Il a de la fièvre et du mal à respirer. Je lui ai déjà fait trois inhalations. Je sais ce dont il a besoin et j’ai tous les médicaments de confort qui lui sont nécessaires. Le docteur m’a d’ailleurs dit qu’il finirait par me donner mon diplôme.”

Installé chez lui dans une pièce spécialement aménagée
Dans une chambre aménagée dont la porte est ouverte, à côté de la grande pièce de vie de sa maison de Caissargues, dans le Gard, on devine le lit médicalisé de l’homme sur qui elle veille. On imagine sa silhouette dans cet univers clos qui est désormais le sien. Si près, physiquement, des gens qui l’aiment et l’entourent. Si loin, aussi, depuis trente-six ans.

Bernadette Adams vous invite à l’accompagner au chevet de ce personnage dont les souvenirs vous renvoient à cette douce enfance où l’on collectionnait et échangeait avec ferveur les vignettes Panini des stars du ballon rond dont il faisait partie. Nîmes olympique, saison 1972-73, troisième rangée entre Atillio Moretti et Daniel Sanlaville.

On hésite par pudeur. Par crainte aussi de s’immiscer dans une intimité qui n’est pas la vôtre. “Tu as de la visite, ma biche”, lui lance-t-elle comme pour rendre l’instant moins solennel. Quelques cheveux blancs trahissent les années qui passent. Mais le visage est étonnamment fin.

Jean-Pierre Adams était footballeur professionnel. Il s’est révélé sous le maillot de Nîmes qui en a fait un international. Il était aussi un mari aimant, un père de famille comblé. Un homme apprécié de tous pour sa gentillesse.

Sa carrière de joueur terminée, il avait décidé de consacrer son temps à transmettre sa passion et ses connaissances aux jeunes footballeurs en herbe. Mais une succession d’erreurs médicales et de négligences, privant son cerveau d’oxygène et créant des lésions irréversibles lors d’une banale intervention chirurgicale au genou, ne lui en ont pas laissé le temps.

Depuis le 17 mars 1982, il est plongé dans un état végétatif. C’était un mercredi. Le jour des enfants. “Laurent, l’aîné, était au foot. Frédéric, le plus jeune, était avec moi au magasin de sport que nous avions à Chalon”, raconte Bernadette qui se souvient de chaque instant, “comme si c’était hier”.

“Mes fils disent que j’ai été une sainte. J’avais un prénom prédestiné”
Ce coup de fil de son mari, la veille, lui assurant que tout va bien. Et ce énième appel, “le cinquième de la journée”, le lendemain. ““Madame Adams”, m’a-t-on alors dit, “il est arrivé quelque chose de grave. Il faut que vous veniez”.”

Bernadette Adams, pimpante septuagénaire, parle de cette colère qu’elle a toujours en elle et qui ne partira jamais. “Oui, je suis toujours à cran.” De ce bouleversement pour la famille entière : “Mes enfants n’ont pas eu la vie qu’ils auraient dû avoir.” Mais comment pourraient-ils lui en vouloir d’avoir consacré autant de temps et d’énergie à leur père ? “C’est vrai, répond-elle. Ils disent j’ai été une sainte. J’avais sans doute un prénom prédestiné.”

Ensuite, elle prend de longues minutes pour ouvrir une paire d’albums photos et remonter le temps. Ici, son mari avec des coéquipiers dont elle n’a oublié aucun nom mais qui ne se manifestent plus guère. Elle en est convaincue : “Ce n’est pas de l’oubli. Beaucoup parlent de lui dans les journaux quand ils en ont l’occasion. Je sais que Marius Trésor n’est pas capable de le voir dans cet état.” Là, des clichés en civil d’un couple glamour qui s’était rencontré lors d’un bal à Montargis. Voilà pour sa première vie.

Sa “deuxième vie”, comme elle l’appelle, est entièrement dédiée à celui qu’elle veille. Après l’accident, Jean-Pierre Adams est resté un an dans un centre de rééducation. “C’est là où vous vous débarrassez des gens qui vous gênent ?”, lance alors Bernadette au personnel hospitalier. Elle ajoute : “Il avait des escarres partout et perdu du poids. S’il était resté là ou s’il était allé dans un autre centre, il ne serait plus de ce monde aujourd’hui. Alors, je l’ai sorti de là.”

Une semaine par an seulement, elle s’accorde une parenthèse, le temps d’aller en Corse fêter l’anniversaire d’un de ses trois petits-enfants, le fils de l’aîné Laurent qui, lui aussi, a porté le maillot nîmois.

Le reste du temps, elle est à la maison, aidée dans sa tâche, cinq jours sur sept, par une aide-soignante et un kiné. Le week-end, elle fait tout toute seule. “Le matin, détaille-t-elle, il reste dans son lit où je lui donne son petit-déjeuner. On lui fait sa toilette, je le coiffe, le rase et l’habille. A midi, on le met au fauteuil avec le kiné. Je lui donne à manger, des légumes notamment que je mixe et cuisine. Le kiné revient en début d’après-midi pour une séance de clapping et des exercices et on le recouche. Le soir, je lui donne son dîner.”

“Ma plus grande crainte, c’est de partir avant lui”
Bernadette Adams veille à faire vivre la maison, à l’animer. Ce matin-là, la radio est en fond sonore. “Je lui parle beaucoup. Il ne me voit pas mais je sais qu’il m’entend. Il sursaute d’ailleurs au moindre bruit. Son visage change parfois en fonction de son humeur. Il est sensible aux odeurs, comme celle de mon parfum. Le mercredi, j’ai mes deux autres petits-enfants qui habitent tout près d’ici. Mila, la plus jeune, joue à côté de lui, l’attrape par le cou pour le câliner.”

Bernadette Adams n’envisage pas une seule seconde de se séparer de son époux. Encore moins d’abréger ses souffrances. Si tant est qu’il souffre. “Le faire mourir consisterait à le priver de nourriture. Il n’est branché à rien. Quelle souffrance voudriez-vous abréger ?”, lance-t-elle.

Samedi prochain, “et comme tous les 10 mars”, elle fera “quelque chose, on achètera un tricot ou de beaux draps, que peut-on lui offrir d’autre ?”, souffle-t-elle, un brin mélancolique. Le moment est toujours particulier. Il témoigne du temps qui passe. Et fait forcément ressurgir quelques craintes. “Ma plus grande, c’est de partir avant lui. J’ai 74 ans et j’espère rester en bonne santé.

 

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