Vi0l en période de confinement : le silence assourdissant de la victime… Deuk bi tass na

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La courbe du nombre de cas de viol ne cesse de croitre au Sénégal. En 2016, l’Association des femmes juristes du Sénégal comptabilisait 3.600 cas de viol. En six mois, (de janvier à juin 2016), 1.776 cas dont 516 d’inceste, ont été recensés. Entre 2017 et 2018, le Comité de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants (CLVF) révélait que rien qu’entre 2017 et 2018, ce sont 706 femmes et filles qui ont été victimes de viol au Sénégal. Une situation inquiétante parfois suivie de mort qui avait fini de révulser plus d’un.
Jusqu’ici, le viol était considéré comme un simple délit passible de cinq à dix ans de prison. Désormais, avec la criminalisation du viol et la pédophilie, les auteurs de viol et d’actes pédophiles seront jugés par la chambre criminelle et risquent une peine allant jusqu’à la réclusion à perpétuité.
Pourtant malgré la promulgation de la loi, le pays a connu des cas de violence basés sur le genre pendant la période du confinement. Rien qu’à Kaolack, Ziguinchor et Sédhiou des femmes ont saisi des boutiques de Droit pour des raisons de violence.

Les femmes victimes des violences recensées au niveau des boutiques de Droit de l’AJS représentent 43,8% avant Covid-19 (janvier à février) contre 56,2% durant la période Covid-19 (avril à mai) passant de 67 à 86 soit une augmentation de 12,4%. Ainsi, il est remarqué, selon l’Association, qu’en période Covid-19 plus de femmes sont victimes de violences psychologiques (soit 57,10%) et physiques (soit 58,30%) que pendant la période avant COVID où moins de 43% des femmes sont concernées par les violences psychologiques et 41,7% par des violences physiques. En effet, l’augmentation des violences physiques trouve un répondant dans le confinement.

A. B. a vécu le calvaire du confinement. Âgée de 21 ans, cette aide-ménagère, a subi les assauts répétés d’un de ses oncles. Elle a été violée par ce dernier venu du village pour chercher du travail à Dakar et dont les restrictions de déplacement ont favorisé l’isolement social et instauré son enfermement avec son « agresseur ». Elle fut contrainte de se taire et de ne jamais en parler malgré la profondeur du mal. Elle fut obligée de se taire, de vivre et de cohabiter avec son bourreau dans la maison familiale à Pikine avec sa mère marchand tablier au Marché Zinc de Pikine et elle se débrouille pour faire vivre sa seule fille en lui donnant une bonne éducation comme les autres pour qu’elle ne ressente pas l’absence de son père décédé alors qu’elle n’avait que 5 ans. Notre interlocutrice se souvient de son viol « un jour après de longues heures passées à effectuer les tâches ménagères, j’étais épuisée et je me suis couchée sur le lit de ma mère et je me suis endormie aussitôt. J’ai senti une présence et c’était mon oncle qui m’avait retrouvée dans la chambre pour me violer malgré mes supplications ». Ma mère et moi, nous nous sommes tu sous la pression de certains membres de la famille qui avaient menacé de nous expulser de la maison si on ébruitait l’affaire. « Je sens depuis ce jour-là dans un vide et je ne sais pas comment faire. Je veux me marier mais je ne sais pas ce que je vais dire à mon futur époux ; il ne me croira certainement pas », se désole-t-elle.

Les victimes de viol éprouvent un sentiment de honte et se taisent. Une politique de non dénonciation qui encourage souvent les auteurs. Au Sénégal, ce problème de viol au sein des familles est toujours considéré comme une affaire qu’il faudra étouffer. Certains sénégalais rencontrés pensent qu’il est temps de le dévoiler au grand jour pour décourager ceux qui seront tentés par cette pulsion vile. Ils encouragent les filles victimes de viol à dénoncer les violeurs, quelles que soient les conséquences, sinon ils risquent de pousser ces mêmes personnes à le reproduire sur d’autres filles qui grossiront le rang des victimes et des « tais-toi, sinon… » Pape Sylla lui, ne fait pas dans la langue de bois. Il qualifie ces faits de barbare, de sauvage et d’irresponsabilité des personnes qui essaient de dissimuler les abus sexuels contre les jeunes filles. « Je suis prêt à tuer la personne qui ferait cela à ma sœur ou à ma cousine », se rebelle-t-il. Le viol a toujours existé dans les sociétés.

Pour Abdou Khadre Sanoko, le viol peut être la résultante d’une promiscuité. « Ici au Sénégal, nous n’avons pas un aménagement du territoire qui fait que nos maisons puissent être assez spacieuses pour pouvoir laisser libre cours aux allers et retours. Le sociologue pense que cette promiscuité a fini de confiner les familles dans un espace assez restreint pour qu’on puisse séparer les dortoirs des uns et des autres, ce qui pousse certains à « cueillir le fruit défendu » et à laisser libre cours à leurs pulsions, désirs et autres fantasmes. Le sociologue qui analyse l’effet du confinement met en avant le contact physique direct en permanence « et quand il y a contact physique, forcément, il y aura un aspect qui va nous échapper par rapport à la protection de notre corps. » Ainsi il précise que cela attise les appétits. « Cela veut dire quand on se voit en permanence, quand on se touche en permanence, bien évidemment, il y a cette tentation qui plane au-dessus des têtes. »

La période du confinement étant un moment qui coïncide avec ce que l’on appelle l’oisiveté, c’est-à-dire le fait d’une cessation d’activités qui nous pousse à avoir beaucoup plus de temps que d’habitude et il est établi que l’oisiveté est la mère des vices. Ainsi, avec le confinement, des violences sexuelles subies dans le cadre familial ont augmenté parce qu’il s’agit de « violences commises dans la contrainte morale, sans bruit, sans coup », alors il faut que « la loi du silence, qui pèse sur les victimes, femmes et enfants, soit abrogé pour que cela serve de leçons aux agresseurs ». Il faut oser la dénonciation et que les plaintes liées aux violences sexuelles et aux violences intrafamiliales commises avant pendant et après le confinement puissent aboutir pour rendre justice aux victimes de viol.

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