Nul besoin de jouer en Ligue 1 ou en Ligue des champions pour attirer plus de 100 000 spectateurs en moyenne lors de chaque sortie. Même si ces spectateurs sont postés derrière un écran, c’est tout de même le nombre de personnes qu’attire Valentin Liénard lorsqu’il poste une nouvelle vidéo sur Youtube. Le latéral gauche de 22 ans évolue pourtant en cinquième division française, en N3 à Alès, mais sa sympathie, sa franchise et sa disponibilité en font une idole en devenir sur Youtube et dont les plus jeunes s’inspirent et s’identifient.
Formé à l’OGC Nice et coéquipier de Kylian Mbappé
L’aventure footballistique de ce sudiste commence dans un petit club proche de Nice : l’ES Baou Foot. Très vite, le jeune Valentin évolue au-dessus de la moyenne et se voit proposer une détection à l’OGC Nice à 10 ans. « À cet âge-là, les enfants ont déjà un peu de pression car certains parents veulent à tout prix qu’ils réussissent et puissent avoir une chance de devenir professionnel. Pour ma part ce n’était pas le cas. J’y suis allé en étant vraiment détendu car je n’y attendais rien de particulier », se souvient Valentin. C’est justement grâce à la simplicité de son jeu qu’il décroche une place au sein du centre de pré-formation des Aiglons où il va y passer 5 ans. C’est à l’OGC Nice, que le virtuose surnommé “Valentinho” par ses coéquipiers de l’ES Baou est replacé en tant qu’arrière latéral (gauche ou droite). Un poste où il pourra faire carrière selon ses formateurs.
Face à une concurrence âpre, Valentin n’est pas retenu dans l’effectif des U17 Nationaux, où évolue son ami Malang Sarr. Il doit trouver un autre club et se souvient des appels du pied de son ancien entraîneur chez les U13 qui coache désormais la réserve des U17 de l’AS Monaco, qui évolue dans le championnat régional. Il part donc en Principauté et grâce à son sérieux, il dispute parfois des matches avec les U17 Nationaux, entraîné par Bruno Irles. Il côtoie déjà le petit phénomène du club, Kylian Mbappé. « Déjà à l’époque, c’était quelque chose. Il avait un truc en plus et j’étais sûr qu’il allait devenir pro. De toute façon, avec lui c’était facile. Vu que je jouais de son côté, je n’avais qu’à lui donner le ballon et il faisait tout le reste derrière »,
témoigne Valentin. À l’intersaison, il décide de s’engager avec le FC Istres, où l’équipe senior évolue à l’époque en Ligue 2 et où la voie pour devenir joueur professionnel semble plus dégagée qu’à Monaco. Après une bonne saison avec les U17 Nationaux Istréens, le club dépose le bilan et Valentin doit encore changer de club à l’intersaison. Il décide de faire un test avec les U19 du Cannet-Rocheville, qui évolue en U19 Régionaux mais durant la détection, l’entraîneur de l’équipe senior, qui joue en CFA 2 (N3), lui propose de rejoindre directement les grands. Il accepte la proposition malgré le fait que quatre latéraux sont devant lui dans la hiérarchie. Il finit la saison en ayant disputé 10 matches, ce qui est assez pour que Louhans-Cuiseaux (N3) qui lui propose un contrat.
C’est le début des déménagements incessants. Après Louhans-Cuiseaux, où il ne joue pas, Valentin s’engage à Adge (N3) en 2017, où il enchaîne les matches mais où ses revenus ne sont pas assez importants pour vivre confortablement. Il emmène ensuite ses valises à Limoges (N3), où il connaît une saison en demi-teinte avec une période faste (7 matches, 4 passes décisives) gâchée par une blessure qui lui a fait perdre sa place dans l’équipe. Mais au cours de la saison, sa belle performance contre Villefranche (N1) en Coupe de France lui permet d’avoir un essai avec le club lors du mercato estival. Finalement, Valentin s’engage à Saint-Priest, en N2, à l’été 2019 mais rien ne se passe comme prévu. À la mi-saison Valentin n’a pas joué une seule minute et décide de rejoindre Alès (en N3) en fin de mercato hivernal. Là-bas, il gagne du temps de jeu avant d’être stoppé par une blessure et par l’arrêt des championnat dû à l’épidémie de Coronavirus.
Partager le vrai quotidien d’un joueur de foot
Alors que son parcours de joueur peut faire figure de montagnes russes, Valentin Liénard a trouvé une autre occupation : sa chaîne Youtube. « Tout a commencé par hasard. J’étais un consommateur de vidéos Youtube mais je n’avais pas forcément envie de lancer une chaîne quand mon ami, Nicolas Irr, m’a un jour dit : ”Val, pourquoi tu ne lancerais pas ta chaîne ? Aucun joueur de foot français partage son expérience, son quotidien de joueur sur Youtube. Ca pourrait intéresser du monde.” Au début, je me dis : “mais jamais de la vie. Je vais m’afficher.” Puis j’ai réfléchi et je me suis dit que ce n’était pas bête comme idée. J’ai donc décidé de me lancer en mars 2018 avec le soutien de mon ami Nicolas », explique Valentin. Il ajoute : « Au début, on est parti sur des tutoriaux et des vidéos de conseil puis, suite aux commentaires des abonnés qui réclamaient des vidéos de match ou des Vlogs, j’ai décidé de me lancer sur ces formats. Mais le plus important pour moi, c’était de partager le vrai quotidien d’un joueur de foot semi-professionnel et ses galères. Car beaucoup de jeunes pensent qu’une carrière professionnelle ressemble à celle de Neymar ou de Mbappé mais la réalité, c’est qu’il y a beaucoup plus de joueurs pros proches de ma situation que celle des superstars. »
Même si cela peut paraître anodin pour le grand public, la gestion du chaîne Youtube demande énormément de travail entre les tournages, les montages, la réalisation des miniatures, le rythme de publication à respecter, etc. Comment Valentin arrive-t-il à concilier sa vie de football semi-professionnel et celle de Youtubeur ? « La vérité, c’est que je ne suis pas seul sur ma chaîne. Même si on ne voit que moi, nous sommes deux. Nicolas et moi. Tout seul je n’arriverai pas à tenir le rythme. C’est impossible », dévoile Valentin.
Concrètement, Valentin Liénard se consacre à sa chaîne Youtube du lundi au jeudi pour rester bien concentré sur le football et ses matches le week-end. C’est donc son ami, Nicolas Irr qui s’occupe de la majorité des montages. Cependant, il peut arriver que Valentin sorte sa caméra personnelle durant la semaine lors des entraînements. Justement, cette double casquette footballeur-youtubeur, peut effrayer voire agacer certains dirigeants, entraîneurs, joueurs et nuire à la carrière de Valentin.
Il en a pleinement conscience : « c’est vrai, que ça m’a déjà porté préjudice. Quand tu ne connais pas Youtube et que tu ne me connais pas personnellement, tu peux facilement penser que je suis narcissique. Que je me la pète. Mais la réalité est complètement différente. Ma caméra est assez peu présente au quotidien. Quand je filme une séance, ça dure 1 minute en général et ces images sont diffusées deux semaines plus tard sur ma chaîne pour ne pas donner d’indications à nos adversaires. Je fais aussi vraiment en sorte de ne pas déranger les autres joueurs et toutes les personnes du club en général quand je fais mes vidéos. Mais certains n’aiment pas être exposés quand d’autres n’aiment pas forcément que je puisse attirer plus de lumière que le club, lui-même. Ce que je comprends complètement d’ailleurs. En tout cas, j’ai toujours été très honnête envers mes clubs et je ne leur ai jamais caché que j’avais une chaîne Youtube. Si ça les dérange, je m’adapte mais il faut aussi savoir que certains clubs ont voulu me signer justement parce que j’avais une chaîne Youtube avec quasiment 80 000 abonnés et qui pouvait leur donner plus de visibilité. Donc finalement, ça va dans les deux sens. »
Youtube vs Football
Avec son nombre d’abonnés grandissant sur sa chaîne Youtube, Valentin ne manque pas de sollicitations. Le premier avantage que lui a permis Youtube, c’est de recevoir des produits “gratuitement” de la part des trois plus gros équipementiers marché : Nike, adidas et Puma. « C’est vrai que Youtube m’a permis d’avoir les avantages d’un joueur de foot professionnel alors que j’évolue en 5e division française. EA Sports m’a carrément invité pour l’inauguration du jeu Fifa 20 avec d’autres Youtubeurs et des rappeurs comme Gradur. Ce qui me paraît irrationnel quand j’y pense », se réjouit Valentin. L’autre avantage c’est évidemment les revenus publicitaires distribués par la plateforme. Environ 800 euros par mois, que se partagent Valentin et Nicolas, sans compter les partenariats sponsorisés. Ce qui fait un bon complément de revenus pour un joueur évoluant en N3, dont les salaires tournent généralement entre 1500 euros et 2000 euros par mois hors prime. Un autre avantage, c’est la façon dont Youtube forme à différents métiers et de manière autonome. Il y a d’un côté la partie audiovisuelle (le tournage, le montage, le design) mais aussi le côté entrepreneurial comme l’indique Valentin : « grâce à ma chaîne Youtube, j’ai appris à créer une autoentreprise et à déclarer des revenus. »
Malgré une célébrité grandissante sur les réseaux sociaux, Valentin, qui détient aussi un Brevet de Moniteur de Football (diplôme d’entraîneur de niveau 4) et un Bac ES, garde les pieds sur terre et n’a pas perdu de vue son vrai objectif. « Mon objectif principal n’a pas changé depuis mes débuts dans le foot. Aujourd’hui, j’ai 22 ans et j’espère encore jouer au plus haut niveau possible. Ce sera en Ligue 2, peut-être en Ligue 1 voire à l’étranger. Je ne me ferme aucune porte. C’est ambitieux mais j’y crois et ma chaîne Youtube ne risque pas de me détourner de cet objectif », assure fermement Valentin qui ajoute : « Forcément, le fait de m’exposer publiquement peut m’ajouter une petite pression. Mais elle existe quoi qu’il arrive dans le football. Quand je joue devant un public dont une partie me suit sur Youtube, c’est certain que je n’ai pas envie de passer pour le tocard qui fait le beau sur les réseaux mais qui n’assure pas sur le terrain. Mais je me suis habitué et ça ne me dérange pas. De toute façon, il y aura toujours des personnes malveillantes qui te critiqueront que tu fasses des bonnes choses ou non. C’est tout simplement le jeu et j’en avais conscience avant de lancer cette chaîne Youtube. »
Au final, Youtube est peut-être tout simplement une échappatoire nécessaire pour Valentin. Un moyen de mieux vivre sa jeune carrière mouvementée et son rêve de devenir joueur professionnel. « Je ne l’ai jamais vu vraiment de cette façon mais en parlant avec mon conseiller, c’est possible que ma chaîne Youtube me permet peut-être d’évacuer la pression que j’ai au quotidien. Je suis parfois rassuré quand je vois que d’autres joueurs traversent les mêmes difficultés et s’identifient à moi. Leurs commentaires m’encouragent car je me dis que ma propre expérience peut aider d’autres joueurs. Et en aidant les autres, finalement, je m’aide un peu moi-même », conclut Valentin Liénard, qui réalise déjà un rêve en vivant de sa passion. Ou plutôt de ses passions !
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