De l’acte volontaire à la piste criminelle, les affaires de disparitions recouvrent des cas de figure très différents, explique Bernard Valézy, commissaire divisionnaire de police, engagé sur le terrain associatif auprès des familles de personnes disparues.
Les disparitions récentes de Delphine Jubillar, une infirmière du Tarn, et de Diary Sow, une étudiante sénégalaise à Paris, ont remis le phénomène en lumière. Chaque année, près de 50 000 mineurs et quelque 23 000 majeurs disparaissent des radars dans des conditions très diverses. Derrière les statistiques, autant d’histoires singulières et de destins brisés que Bernard Valézy observe de près. Ce commissaire divisionnaire de police de 64 ans est engagé sur le terrain associatif au service des familles de personnes disparues en tant que vice-président de l’ ARPD (Aide et recherche des personnes disparues). Cette structure regroupant 150 bénévoles organise des investigations lorsque la police ou la gendarmerie n’a pas estimé nécessaire d’ouvrir une enquête ou lorsque le dossier a été classé.
Quelle est l’ampleur du phénomène des disparitions en France ?
BERNARD VALÉZY. Ces dernières années, les chiffres sont relativement stables. Environ 50 000 mineurs sont portés disparus pendant quelques jours, quelques semaines ou plus. Si l’on compare avec le début des années 2000, on observe tout de même une augmentation de 40 % de ce nombre de mineurs disparus. Quant aux majeurs, le nombre de disparitions inquiétantes est estimé à 18 000 par an, un nombre auquel il faut ajouter entre 4000 et 5000 disparitions considérées comme non inquiétantes à l’origine. Ce qui revient à dire qu’en moyenne, environ 200 personnes, majeures et mineures confondues, disparaissent chaque jour en France.
Le terme de «disparu(e)» recouvre des réalités très différentes. Quels sont les différents types de disparitions ?
On en distingue sept. Il y a d’abord les disparitions volontaires lorsque l’individu cherche à changer de vie ou à se soustraire à une certaine réalité. C’est très douloureux pour les proches et les amis, mais cela reste un cas « positif ». Car il existe aussi malheureusement des disparitions à la suite d’un suicide, dans le cas où le corps n’est pas retrouvé tout de suite. On pense aussi aux victimes d’accident. Exemple, un randonneur chute dans un ravin et on ne le découvre que quelques mois plus tard. Autre type de disparition, les désorientations. Cela concerne typiquement les personnes atteintes de maladies dégénératives (Alzheimer, Parkinson, etc..). Reste ensuite les enlèvements d’enfants par l’un des parents, les disparitions d’origine criminelle et enfin une septième catégorie qui est celle des cas indéterminés. Cela existe malheureusement. Lorsqu’on ne sait rien, même longtemps plus tard. Cela représente environ 1000 personnes chaque année.
Dans le cas particulier des disparitions volontaires, que sait-on des motivations des personnes ?
La catégorie des mineurs est très bien documentée, puisque chaque disparition d’une personne de moins de 18 ans donne lieu à l’ouverture d’une enquête de police ou de gendarmerie. Dans le cas le plus fréquent, à 24 %, il s’agit d’une « escapade » amoureuse. Le ou la jeune s’échappe pour retrouver une autre personne. Dans 21 % des situations, cela relève d’une conséquence d’un conflit familial. Restent trois autres explications principales : un problème scolaire (9 %), de mauvaises fréquentations (9 %) ou un désir d’émancipation (8 %). Concernant les mineurs, une étude de 2017 établit qu’un tiers environ des fugues s’achève en moins de 48 heures, un autre tiers n’excède pas un mois et dans le dernier tiers, cela dépasse le mois.
Que dire alors des disparitions volontaires de majeurs ?
Ce phénomène est moins bien connu, parce que chaque disparition ne donne pas lieu à une ouverture d’enquête. Si la police ou la gendarmerie estime qu’il existe des raisons de penser que cette disparition est volontaire, cela ne va pas plus loin dans bien des cas. Et ces personnes ne sont donc jamais vraiment recherchées. Or, cette appréciation initiale, dans les premières heures qui suivent une disparition, peut déboucher sur des erreurs dramatiques. Une personne peut effectivement organiser un départ volontaire, mais cette expérience peut déboucher sur une très mauvaise rencontre, un enlèvement suivi d’une séquestration, par exemple. Mais comment le savoir ? C’est pourquoi nous militons au sein de l’association ARPD (assistance et recherche de personnes disparues) pour que chaque personne disparue soit inscrite au fichier des personnes recherchées (FPR) ou dans un fichier spécifique dédié aux disparitions. Dans le même temps, nous souhaitons que les parents des disparus soient informés de la possibilité qu’ils ont de donner leur ADN pour un enregistrement au FNAEG (Fichier national automatisé des empreintes génétiques) afin que des recoupements puissent avoir lieu ultérieurement, notamment avec des personnes enterrées sous X.
Même si ce cas particulier des disparitions volontaires de majeurs est assez mal connu, quels sont les mobiles les plus fréquents ?
La situation la plus fréquente touche des individus souffrant de problèmes psychiatriques (schizophrénie ou bipolarité) ou de maladie neurodégénérative. La disparition pour raison sentimentale arrive en deuxième position, devant la fuite organisée pour échapper à des problèmes d’endettement. Reste enfin la disparition planifiée en vue d’un suicide.
Toutes les disparitions ne sont pas jugées «inquiétantes» par les services d’enquête. Comment est-il possible de faire la distinction ?
Pour cela, il peut exister des éléments objectifs. Si une personne a quitté son domicile avec un sac à dos, des moyens de paiement et quelques vêtements, cela a tendance à rassurer les enquêteurs. Pour les familles, c’est autre chose évidemment. L’étude de la téléphonie permet aussi, dans certains cas, d’accéder à des informations essentielles. Dans un scénario « facile », lorsque le téléphone est toujours actif, cela donne accès à une localisation, même approximative, de la personne. Dans un cas plus compliqué, on peut tout de même comprendre l’environnement relationnel du disparu, grâce à l’étude des appels et des messages entrants et sortants. Mais encore faut-il que les services de police ou de gendarmerie prennent la peine d’effectuer ce travail. Ce qui n’est pas systématique.
Quel est le pouvoir des familles de majeurs disparus et quelle est la liberté laissée à la personne disparue volontaire ?
Jusqu’en 2013, les proches disposaient d’une procédure administrative baptisée « recherche dans l’intérêt des familles » (RIF), qui leur permettaient, sous certaines conditions, de signaler une disparition non inquiétante et de faire inscrire le disparu au Fichier des personnes disparues. La suppression de cette procédure a pour effet néfaste de faire tomber dans l’oubli toutes les disparitions qui ne sont pas jugées inquiétantes a priori. D’un autre côté, les personnes disparues, lorsqu’elles sont majeures ou ne rentrent pas dans la catégorie des majeurs protégés (NDLR : victimes d’altérations des facultés mentales ou physiques ou personnes sous tutelle), ont la liberté de ne plus réapparaître auprès de leurs proches.
C’est-à-dire ?
Disparaître ne constitue pas un délit et les membres de la famille du disparu ne sont pas considérés comme des victimes. Les services de police ou de gendarmerie, lorsqu’elles les retrouvent, s’assurent que la personne est en sécurité et lui proposent de la mettre en relation avec ses proches. Mais si elle refuse, l’enquête s’arrête là. La famille sera seulement informée que son proche est bien vivant, mais ne recevra aucune indication permettant de le localiser.
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