La disparition d’un journaliste et d’un chercheur rappelle les menaces qui pèsent sur le « poumon » de la planète et les populations isolées qui y vivent, entre l’orpaillage, l’agriculture agressive, le narcotrafic et la vision « développementaliste » du président Bolsonaro.
Qu’est-il advenu de Dom Phillips et de Bruno Pereira ? Les deux hommes ont disparu depuis plus de dix jours dans le Vale do Javari, aux confins de l’Amazonie, près de la frontière qui sépare le Brésil du Pérou. Les proches de ce journaliste indépendant émérite attaché à la protection de l’environnement et de ce chercheur réputé, défenseur engagé des peuples indigènes, redoutent le pire. A juste titre.
Grand comme l’Autriche, le Vale do Javari est une région difficile d’accès. On y trouve la plus grande concentration de peuples isolés, sans aucun contact avec le monde extérieur. Leur nombre est estimé entre 300 à 500 personnes selon les spécialistes, autant dire qu’ils pèsent peu face à la machine destructrice qui ravage le « poumon » de la planète, dont le sort pourtant est essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique.
En concentrant tous les maux de l’Amazonie, le Vale do Javari est devenu en effet une ligne de front. Il est menacé, comme toute cette région immense, par les chasseurs et pêcheurs illégaux, par les orpailleurs et une agriculture agressive, jusqu’aux missionnaires évangéliques décidés à convertir par tous les moyens les derniers représentants de ces peuples isolés.
Une zone de non-droit
S’y ajoute de surcroît l’ombre portée du narcotrafic. Sillonnée par des convois surarmés, la zone est devenue une plaque tournante pour la cocaïne venue du Pérou et de la Colombie, et à destination du Brésil. Cette situation critique explique pourquoi Dom Phillips et Bruno Pereira, tous les deux particulièrement chevronnés, ont pris le risque de s’y rendre : pour témoigner inlassablement de la menace qui pèse sur les derniers arpenteurs de ce paradis perdu, comme sur une biodiversité unique.
Tout porte à croire qu’ils pourraient avoir été les victimes de ce qu’est devenue l’Amazonie aujourd’hui : une zone de non-droit où prospère le crime sous toutes ses formes, environnemental et social, avec le travail forcé, la prostitution, la lèpre de la drogue et les crimes de sang. Tel est le lot quotidien, sur place, des journalistes et des défenseurs de l’environnement, ainsi que de leurs familles.
Le président du Brésil, Jair Bolsonaro, a tout d’abord réagi à ces deux disparitions avec un coupable détachement. « C’est une aventure qui n’est pas recommandée. Tout peut arriver », a-t-il déclaré, avant de se résigner, sous la pression, à mobiliser l’armée.
Déforestation et orpaillage
Le président n’est en effet pas étranger à ce qui pèse sur l’Amazonie. Il n’a jamais renié sa vision d’une région qui doit être exploitée sans merci quel qu’en soit le prix pour ses autochtones ou notre avenir climatique. « L’intérêt de l’Amazonie, ce ne sont pas les Indiens ni les putains d’arbres, mais le minerai ! », a-t-il déclaré sans fard en 2019.
Cette vision « développementaliste » est également paranoïaque. En effet, le président soupçonne en permanence les organisations non gouvernementales étrangères et les indigènes d’être les agents de grandes puissances qui souhaiteraient mettre la main sur les richesses du Brésil et empêcher son développement.
Avec Le Monde
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