Etat d’urgence et Couvre-feu au Sénégal : Faut-il craindre des émeutes de la faim ?

Publié par

La situation d’angoisse que vivent tous les peuples continue d’interpeler et de provoquer l’adoption de mesures parfois radicales. Le monde, dans son entièreté, évolue dans une situation médicalement complexe ; complexité qui naturellement déteint sur les autres secteurs de la vie. Au Sénégal, la vie socio-économique est totalement perturbée par l’instauration de l’état d’urgence et le couvre-feu. Malgré le souhait des autorités d’atténuer les conséquences, avec des mesures prises çà et là, les ménages sénégalais sont plongés dans une situation sociale catastrophique.Un vrai casse-tête chinois causé par la lutte contre le Covid-19.

Les conséquences de cette guerre sanitaire sont en train d’être vécues par toutes les couches de la population. Devant l’injonction « RESTEZ CHEZ VOUS » pour fuir la maladie, la population se retrouve partagée entre la nécessité de s’y conformer et le souci de satisfaire ses besoins socio-économiques. Un vrai casse-tête chinois causé par ce que le président Trump appelle le « virus chinois ». De la classe privilégiée- gérante du secteur privé national- aux populations défavorisées qui vivotent et qui peinent à tirer le diable par la queue en situation normale, la crise sanitaire a énormément perturbé la marche du pays. La pandémie a atteint un niveau tel que le président s’est retrouvé dans l’obligation de faire un choix entre sauver des vies et sauver l’économie du pays. C’est ainsi qu’a été décrété l’état d’urgence assorti de la mesure du couvre-feu.

Des conséquences économiques désastreuses

Public comme privé, le secteur économique accuse un énorme « coup-Covid » qui a fini de le mettre K.O. Ce chaos se répercute sur le chiffre d’affaires des entreprises et autres grandes firmes, sur les revenus des PME et PMI, mais également les start-ups dans une certaine mesure. C’est pour atténuer ces effets désastreux du Covid-19 sur l’économie du pays que le président Sall a pris les devants en mettant en place le Fonds de riposte et de solidarité doté de 1000 milliards de Francs CFA.

La répartition de ce fonds ne manque pas de susciter des questions pour autant. Le secteur privé formel peut s’en tirer à bon compte, bien qu’il reçoive le « coup Covid » de façon brutale. Mais la décision prise par le président Macky Sall pour leur venir en aide est d’un apport conséquent. Dans le souci de préserver le secteur privé, le Chef de l’Etat a en effet décidé d’accorder « une remise partielle de la dette fiscale constatée au 31 décembre 2019 due par les entreprises et les particuliers, pour un montant global de 200 milliards ». Une telle mesure a été décriée par l’opposant Ousmane Sonko.

Nonobstant ces efforts, on note des premiers licenciements au Sénégal avec la décision de l’Hôtel King Fahd Palace de se séparer de 176 de ses employés. Ce géant de l’hôtellerie au Sénégal précise dans la note de service prise à cet égard que : « [leur] établissement a connu une baisse drastique de ses activités et des difficultés de recouvrement car, certains de nos débiteurs ont demandé un report de leurs échéances de paiement ».

Catastrophe sociale sur les ménages sénégalais

Si la pandémie venait à s’installer pour quelques semaines encore, les conséquences humanitaires et sociales sont difficiles à évaluer. C’est là tout le sens de l’appel à la responsabilité lancée par le président de la République qui veut éviter « le pire des scénarios ». Et pour aider à alléger les effets de l’état d’urgence sur la population, Macky Sall a dégagé une enveloppe conséquente vu que nombre de ménages se retrouveront dans une situation hypothétique. L’aide alimentaire d’urgence s’élève à cet effet à 200 milliards de francs CFA. Cette enveloppe devrait surtout servir à l’achat de vivres pour les familles confinées chez elles par la radicalité des mesures édictées pour freiner le covid-19.

Cependant, il faut noter que la population reste toujours menacée sur le plan social. Les acteurs du secteur informel ne disposent plus des opportunités dont ils bénéficiaient avant la survenance de la pandémie. Non seulement avec leur volume horaire de travail réduit avec l’instauration du couvre-feu qui les force à descendre avant 20h mais aussi eu égard aux difficultés liées aux déplacements et qui sont dues par les mesures prises par le ministère de tutelle pour réduire la mobilité de la population.

La suspension du transport interurbain, par exemple, met en péril les gains économiques des chauffeurs qui assuraient la navette entre la périphérie et le centre. C’est le même destin que vit le transport urbain d’ailleurs. Les milliers de conducteurs, qui ne tiraient leur profit qu’à travers les « horaires », perdent leur gagne-pain et leurs familles risquent de ne pas tenir le coup si l’aide d’urgence tarde à venir. Quand bien même cette aide serait importante, elle ne suffirait pas à combler l’énorme gap financier causé par l’état d’urgence. Cette situation n’est pas exclusive aux transporteurs et chauffeurs, elle est aussi la hantise de la population active et qui ne trouve plus le diable pour lui tirer la queue.

Faut-il craindre les émeutes de la faim ?

« Ventre affamé n’a point d’oreilles », et le régime d’Abdoulaye Wade a fait les frais d’un tel adage. En 2007-2008, le Sénégal connaissait une série de manifestations contre la vie chère matérialisée par la hausse des denrées de première nécessité, et les coupures intempestives d’électricité. Comme la situation présente du Covid-19, notre pays devait faire les frais de la crise alimentaire mondiale de 2008. Beaucoup d’autres pays, en Afrique comme ailleurs, avaient été durement secoués. C’est au même scénario que le confinement nous mènera sans aucun doute. Le mot d’ordre « RESTEZ CHEZ VOUS » avec lequel on ne cesse de rebattre les oreilles avec la population ne peut être pratique que lorsqu’il est accompagné d’une autre proposition. La phrase complète devrait être en effet: « TENEZ! ET RESTEZ CHEZ VOUS ».

La situation sanitaire présente rappelle celle de la crise alimentaire de 2008 en cela qu’elle entraîne des conséquences similaires. A titre comparatif, des spéculations sur les prix des denrées de première nécessité sont en train de refaire surface et la fermeture des frontières entraînera à coup sur la rareté de certains produits. Cette situation fera l’affaire des usuriers qui ne rêvent que de pénurie pour multiplier le coût de leurs marchandises au nez et à la barbe de l’autorité qui a fait une sortie récente contre toute hausse indue.

Dans cette situation d’angoisse générale, la perte temporaire d’emploi devient un choc dur à accepter. S’il est vrai que l’état d’urgence est un mal nécessaire, il faut aussi reconnaître que son impact risque de déchirer le tissu social pour la grande majorité de la population qui évoluent dans l’informel. Quand les mécaniciens ne voient plus de clients pour se faire quelques sous, quand les conducteurs ne sont plus hélés par les usagers, quand les marchés communaux ferment boutique pour cause de Covid-19, il ne faudra pas plus pour que la bombe sociale éclate.

Pour y parer, il faut compter sur le pragmatisme de l’Etat pour l’aide financière en plus d’espérer un rapide retour à la normale. Les prémices d’un désastre sont déjà là malgré l’adhésion du peuple aux décisions prises. Bien que ce soit l’état d’urgence qui est décrété, on assiste tout simplement à une sorte de confinement qui empêche les uns et les autres à vaquer à leurs occupations quotidiennes.

Par Ababacar Gaye/SeneNews
[email protected]

Telecharger les applications SeneNews

→ A LIRE AUSSI : VIDEO. Couvre-feu à Thiès : un célèbre marabout humilié par les policiers

→ A LIRE AUSSI : KAwtef –  »Couvre feu bi Yalla Boumou diékh, Ndakh sama dome bou djiguéne dafa am… »(Video)

→ A LIRE AUSSI : URGENT – VIDÉO : ARRESTATION D’UN AUTRE FAUX GENDARME

'

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *