Selon un adage wolof, un fils de lutteur doit apprendre la lutte, car un jour viendra, il descendra dans l’arène. Cette affirmation est particulièrement vraie pour les fils ainés des guides religieux au Sénégal. Serigne Saliou Thioune Gueule Tapée ne dira pas le contraire, lui qui a été intronisé khalife en mai dernier par Serigne Bass Abdou Khadre, le porte-parole des mourides sur instruction du khalife général, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké. Sachant que le plus âgé des enfants de Béthio est une fille du nom de Fatim Thioune, il appartient au fils ainé de continuer l’œuvre de son père et conduire ainsi aux destinés de la communauté.
Du moins, une partie de celle-ci pour être plus exact. En effet, la rivalité entre Serigne Saliou et l’autre khalife est manifeste. Bien qu’étant une femme, Aïda Diallo, l’une des veuves de Madior Thioune se veut elle aussi Khalife générale. Le Magal 2019 met d’ailleurs au grand jour la rivalité entre les deux camps. Chacun veut mobiliser le maximum de bétail et de condiments pour être digne d’un khalife de Cheikh Béthio, connu pour le nombre impressionnant de bœufs et de volailles qu’il immolait à l’occasion.
Inconnu du grand public jusqu’au décès de son père, Serigne Saliou Thioune n’en était pas moins un proche du guide des Thiantacounes. « Il était souvent l’intermédiaire entre Cheikh Béthio et ses anciens talibés, quand ce dernier n’était pas disponible », confie une source. De même, il représentait souvent son père dans certaines manifestations religieuses. En 2012, il a été désigné porte-parole, rapporte une source, avant qu’il ne soit démis de cette fonction, après « quelques problèmes », au profit de Khadim Thioune.
« Il ne sera pas suivi par plus de 10% de la communauté »
Réputé posé, l’homme est loin du tempérament bouillonnant de son père. « Il n’est pas de ces mourides qui dansent ou qui tombent en transe. Il est toujours calme. « Dafa khawa toubabé » (Il est un peu occidentalisé). C’est d’ailleurs l’un des principaux reproches qui lui sont faits », ajoute une autre.
Selon des confidences, le nouveau Khalife est un homme de réseau. Il maîtrise bien les relations sociales. C’est lui qui s’occupait d’ailleurs de tout ce qui est démarches administratives pour le compte de Cheikh Béthio. Il était aussi un homme de dialogue. « Lorsqu’il y avait des problèmes avec des autorités, c’est lui qui savait par où passer pour arrondir les angles ».
Il n’empêche que certains ont du mal à se faire à l’idée qu’il soit leur nouveau guide. Le jour même de son intronisation, certains thiantacounes, approchés par Seneweb, affirmaient qu’il ne sera pas suivi par plus de 10% de la communauté. Il lui est surtout reproché son manque d’engagement dans les affaires religieuses. « Il n’a jamais été un Jawrigne, il n’a jamais dirigé un daara. Le seul fils du Cheikh qui a été Jawrigne est Serigne Khadim Thioune. Ensuite, les Thiantacounes le contestent parce qu’il n’était pas réellement impliqué », précise un talibé.
Comme Béthio, lui non plus n’a pas été au daara
Comme son défunt père, Serigne Saliou Thioune a fait ses humanités à l’école française. Il a fait le lycée Valdiodio Ndiaye de Kaolack, ainsi que le lycée technique Abdoulaye Niass. A l’époque, son père Madior Thioune était secrétaire municipal à la mairie de Kaolack. Ainsi, le nouveau khalife n’a pas eu l’occasion d’aller au Daara. Son vrai nom est Fam Samb. En effet, il est né avant que Béthio ne rencontre Serigne Saliou. Sa mère a divorcé avec le Cheikh, alors qu’il était jeune.
Et lorsqu’en 1992 Serigne Saliou Mbacké, le défunt Khalife général des mourides demande à ce qu’on lui confie les enfants pour qu’il en fasse ce que Bamba avait fait des enfants de sa génération, Cheikh Béthio lui envoie tous ses fils, sauf Serigne Saliou Thioune qui s’était déjà marié.
« Doux et généreux », ce père de famille a aujourd’hui deux femmes : Sokhna Fatou Thioune et Sokhna Mané Thioune. Même si on le surnomme Serigne Saliou Gueule Tapée, l’homme loge à la cité Keur Gorgui-gui, une maison qui lui a été offerte par son père. Jusqu’à ce qu’il deviennent khalife, il travaillait au Consortium des entreprises (CDE). « C’est le Cheikh qui lui a trouvé ce travail. Le naar (DG de CDE, d’origine arabe) est une connaissance du Cheikh », rapporte une source.
Après son intronisation se posait la question de savoir si Serigne Saliou pouvait continuer à être un employé de la CDE, surtout qu’il devait résider le plus clair de son temps à Madinatou Salam. Le concerné avait répondu qu’il essaierait dans un premier temps de concilier les deux. S’ils s’avèrent incompatibles, le travail sera alors sacrifié… au profit du trône.
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