Seynabou retrouve sa fille 15 ans après l’avoir confiée À un inconnu dans un aéroport (03 Images)

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Totalement désespérée, Zainab Sesay avait remis le destin de sa fille Maya, 5 ans, entre les mains d’un parfait inconnu à l’aéroport de Lungi en Sierra Leone. C’était il y a quinze ans.

Aujourd’hui, Maya a 20 ans et elle a retrouvé sa mère il y a bien longtemps. Elles viennent de retrouver par hasard la trace de leur sauveur, un Américain qui a pu leur raconter son périple avec la fillette. « Je réalise que je ne serais plus en vie s’il ne m’avait pas emmenée avec lui », confie la jeune femme.

Les faits ont eu lieu en 2003. Zainab voulait renvoyer sa fille de cinq ans aux Etats-Unis où sa grand-mère l’attendait dans l’inquiétude la plus totale. Pour diverses raisons, la mère était dans l’incapacité de reprendre l’avion avec elle vers le Maryland où elle avait elle-même grandi dès ses onze ans, lorsqu’elle avait pu fuir la guerre civile au Sierra Leone, son pays natal.
Après avoir étudié, s’être mariée et avoir eu un bébé dans cet Etat du Nord-Est américain, Zainab Sesay avait voulu emmener la petite Maya Hughes avec elle en Sierra Leone pour un voyage inspirant sur la terre de ses ancêtres. Elle pensait que ce serait une bonne expérience pour sa fille de découvrir sa culture maternelle. A cette fin, elle avait booké deux tickets pour un séjour de six mois dans ce pays d’Afrique de l’ouest. Cela devait être de longues vacances inoubliables.

Urgence

Maya n’a gardé que quelques souvenirs précis de ce voyage, dont les innombrables membres de la famille, les vêtements que l’on lavait dehors, les générateurs d’électricité pour avoir un peu de lumière la nuit et le sac de terre qui servait de ballon de football aux cousins et cousines. Le bonheur pour une enfant de cinq ans.

Mais si ce devait être l’expérience d’une vie, la situation a rapidement tourné au vinaigre entre Zainab et sa famille, en même temps que le pays plongeait à nouveau dans le chaos. La mère et la fille ne souhaitent toujours pas relater publiquement tous les détails qui les ont poussées à quitter le pays à la hâte après seulement quatre des six mois qu’elles devaient passer sur place mais il semblerait que l’enfant ne pouvait rester un jour de plus sur le territoire et qu’il fallait qu’elle quitte le pays très discrètement.

Un jeune seul, triste et perdu

Profitant d’un moment d’inattention des siens, Zainab a emporté sa fille et son petit sac Hello Kitty vers l’aéroport où elle s’est mise en quête de trouver quelqu’un en partance pour les Etats-Unis. N’importe qui, tant que c’était ce jour-là. Mais aux comptoirs d’enregistrement, on refuse de lui divulguer ce genre d’information pour des questions de respect de la vie privée. « Vers n’importe quelle ville des USA, peu importe, s’il vous plaît », supplie sans relâche la jeune mère rongée par l’angoisse pour son enfant. En vain, jusqu’à ce qu’un agent de voyages attendri lui indique d’un hochement de tête un jeune homme qui attendait seul un peu plus loin.

Il s’agissait de Tom Perriello, un Américain épuisé et effondré qui était à l’aéroport pour rejoindre Charlottesville en Virginie pour assister aux funérailles de sa grand-mère qu’il aimait tant. « J’ai compris à son visage qu’il était perdu », se souvient Zainab. « Je lui ai dit: ‘Je vais vous poser la question la plus étrange du monde. Accepteriez-vous de voyager avec ma fille?’ ». La mère explique alors que la vie de l’enfant est en danger si elle reste en Sierra Leone et qu’elle fera le nécessaire pour que la grand-mère de la fillette l’attende à l’atterrissage aux Etats-Unis, quelle que soit la ville d’arrivée.

Trafic d’enfants ?

Tom Perriello, en sa qualité de membre du tribunal des Nations Unies qui venait de poursuivre le dictateur libérien Charles Taylor et en tant que conseiller du procureur en Sierra Leone, a tout d’abord jugé cette demande suspecte. Il connaissait le Sierra Leone depuis assez longtemps pour savoir qu’on y contourne les règles à l’envi et que le trafic d’enfants y est légion. Il en a donc conclu qu’il devait s’agir soit d’un réel danger immédiat pour l’enfant soit de quelque chose de plus obscur et sûrement illégal. Mais n’ayant pas le temps de tirer le vrai du faux, il a choisi de surmonter ses craintes et de croire cette mère en panique. Il se connaissait assez que pour savoir qu’il regretterait toute sa vie de n’avoir peut-être pas sauvé une fillette en danger.

L’Américain a donc accepté la demande incongrue sans en demander davantage et s’est immédiatement mis en quête, auprès de sa compagnie aérienne, d’une solution pour que Maya voyage sur le même vol que lui. Ils voleraient ensemble via Bruxelles vers l’aéroport de Virginie où il devait se rendre rapidement. « Voilà, c’est la dernière fois que j’ai vu cette homme », confie Zainab. « Je leur ai fait signe au revoir sans lui donner de papiers, ni de point de contact où me joindre, rien. Maya n’avait que son sac Hello Kitty qui contenait son passeport américain et les coordonnées de sa grand-mère. Rien d’autre ».

Comptine

Parce qu’elle n’avait pas d’autre choix, Zainab a suivi son instinct et a décidé de faire confiance à ce Tom qu’elle n’avait jamais vu. Et elle a eu raison malgré les aléas du vol pour l’Américain et la jeune Maya. La fillette a hurlé et pleuré toutes les larmes de son corps lorsque la silhouette de sa mère a disparu. En embarquant avec ce parfait étranger dans un contexte d’urgence comme celui-là, elle craignait évidemment de ne jamais revoir sa mère. La barrière de la langue n’a pas aidé non plus car l’enfant s’exprimait essentiellement en Krio, la langue locale. Redoublant d’ingéniosité et de délicatesse, Tom Perriello a alors repris quelques mots utilisés par l’enfant pour lui créer une comptine qu’il lui a chantée tout au long du vol afin de gagner sa confiance et la calmer enfin.

« Je ne me souviens plus du trajet, mais bien de cette chanson qu’il me chantait… Cela m’apaisait… », raconte Maya aujourd’hui, du haut de ses 20 ans. « Je me souviens de sa voix sur cet air et de son infinie patience avec moi. Je n’ai pas eu peur de lui un seul instant, parce qu’il était tellement gentil. En tant qu’enfant, vous sentez immédiatement ces choses-là. Je savais que c’était une belle personne ».

Anges gardiens et fantôme

Malgré son talent inné avec les enfants, Tom craignait de mal s’y prendre. « Durant le vol vers Bruxelles, Maya s’est enfin endormie mais à moitié sur son siège et à moitié sur le mien. Je savais qu’il ne fallait jamais réveiller un enfant qui dort alors j’ai passé la moitié du vol à me promener dans l’allée entre les sièges », raconte le bienfaiteur de Maya. A bord de l’avion vers les Etats-Unis, une hôtesse de l’air a entendu qui était Tom et ce qu’il faisait pour la justice au Liberia. Souhaitant le remercier personnellement, elle lui a fait la conversation et a appris ce qu’il faisait pour Maya. « En apprenant toute l’histoire, elle a pris soin de nous en nous apportant des repas de la 1e classe et en demandant à ses collègues de se relayer pour s’occuper de Maya afin que je me repose un peu. Elle a eu une vraie team d’anges gardiens qui ont pris soin d’elle et ont fait en sorte qu’elle arrive dans de bonnes conditions et à bon port », résume-t-il, modeste sur son rôle.

A l’arrivée en Virginie, la fillette a couru dans les bras de sa grand-mère. « Je me souviens d’avoir vu ma grand-mère et d’avoir foncé vers elle sans attendre. Et là, Tom a disparu. Durant 15 ans, il a été comme un fantôme dans mon histoire. Je ne connaissais même pas son nom de famille », explique Maya. En réalité, gêné, Tom Perriello n’avait pas voulu interférer dans ces retrouvailles intimes. « J’ai compris que ce voyage résultait de l’amour qui unit une enfant à sa mère et sa grand-mère: moi-même j’étais en route vers ma propre mère pour la réconforter d’avoir perdu la sienne, qui était fantastique », explique Tom. « Et je suis sûr que ma grand-mère nous a souri, de là en haut, lorsqu’elle a vu Maya enlacer sa grand-mère ». Un mois plus tard, Zainab Sesay parvenait à rejoindre les USA à son tour.

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