Témoignages sur les chasseurs de plaisir dans les bus !

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Les Tata et autres Dem Dikk sont des moyens de transport très convoités par les Sénégalais de par leurs trajets et coûts dans les milieux reculés comme dans ceux où il fallait prendre plusieurs voitures ou un taxi pour y accéder, mais aussi de par leur rapidité. Mais ces autobus sont, aujourd’hui, pour certains usagers un endroit pour se procurer du plaisir à vil prix. Coup de projecteur sur un phénomène qui prend de plus en plus de l’ampleur.

«Le gars avait certainement sorti son sexe puisque j’avais une tache blanchâtre qui avait une odeur sur mon pantalon de couleur noire. C’était dans un bus Dakar Dem Dikk trop plein et il a réussi à faire sa sale besogne sans que je m’en rende compte. C’est d’ailleurs une de mes collègues qui m’a montrée la tache, et c’est bien avant que ce phénomène prenne cette ampleur-là». Ce témoignage de Maman Bâ, étudiante et serveuse dans un restaurant, est assez éloquent au sujet du phénomène des chasseurs de plaisir. Ils opèrent dans les moyens de transport public ou dans les endroits qui accueillent du monde. Mais ce témoignage de l’étudiante Maman Bâ n’est que l’arbre qui cache la forêt. Le phénomène est, en effet, beaucoup préoccupant plus que cela. Au-delà des victimes, les receveurs et chauffeurs de véhicules de transport en commun sont des témoins privilégiés.

Pape Guèye, 35 ans, receveur dans les bus Tata confirme être témoin d’une telle pratique dont les hommes sont le plus souvent les acteurs. «Un jour, un homme habillé en pantalon assorti d’une chemise est monté dans le bus. J’ai constaté que, depuis qu’une fille est montée vers Diacksao et qu’elle s’est installée juste en face de moi, le gars s’est déplacé jusque derrière la demoiselle, alors que le car était loin d’afficher le plein. Dès cet instant, je ne l’ai plus quitté des yeux. J’avais raison d’avoir des doutes puisque j’ai constaté qu’il prenait plaisir sur elle. Et après la descente de celle-ci, son short de couleur gris était mouillé, ce qui a confirmé mes doutes», témoigne M. Guèye. Le receveur qui s’est érigé en spectateur s’est trouvé ému par le spectacle qu’il venait de voir. La suite des évènements se passe de commentaire. «J’étais tellement abasourdi que j’en ai parlé à mon ami Bounama qui était lui aussi dans le bus juste à mes côtés. En le pointant du doigt, le frotteur nous a regardés et s’est tourné du côté de la fenêtre. Puis mon ami m’a dit ‘regarde-le, il avait enlevé sa ceinture, il ternit l’image des hommes’. Mais la seule question qu’on se pose jusque-là, c’est est-ce qu’il avait sorti son sexe», témoigne le receveur.

L’attitude des frotteurs dans les moyens de transport public est un fait réel que les passagers vivent au quotidien. Le plus souvent victimes de ce comportement de personnes qualifiées de «maniaques sexuels», les femmes sont les plus exposées.

Mais une chose taraude les esprits : pourquoi les femmes qui en sont victimes ne réagissent pas en amont, préférant ainsi laisser leur bourreau satisfaire sa libido pour ensuite crier au «voleur de plaisir». Certains se posent des questions à ce sujet, à savoir : pourquoi elle n’a rien dit ? N’avait-elle rien senti au début ? Ou est-elle obligée de se taire parce que c’est un homme âgé ? Ou tout simplement qu’elle ne voulait pas l’accuser à tord ? Autant de questions que certains ne manquent pas de se poser. Mais, les propos d’Adji, âgée de 26 ans, étudiante et ex-receveur, peuvent plus ou moins nous aider à comprendre nos interrogations. Elle était adolescente et cliente simple d’un bus de Tata, en provenance de Diamalaye. «J’ai pris le bus au rond-point Case-bi, j’étais en ce moment élève en classe de Troisième. Vu que je n’étais pas douée en Mathématiques et que mon père travaillait dans un centre sis là-bas, il m’a trouvé un professeur en la matière pour m’encadrer. Ce jour-là, je devais préparer un devoir en Economie familiale, c’est pourquoi je n’avais pas pu attendre mon père. Une fois dans le bus pour rentrer à Sicap-Mbao, juste après le rond-point de Cambérène, j’ai senti la personne près de moi. Et si le bus faisait parfois de petites secousses, l’homme se reposait entièrement sur moi. Et c’est après que j’ai commencé à sentir une chose étrange», narre-t-elle.

Le plus cocasse dans cette histoire, c’est qu’elle a eu affaire avec un vieux qui a l’âge de son père qu’elle n’a pas voulu humilier en public. Ce qui l’a réduite en silence. «Quand je me suis retournée, j’ai constaté qu’il se frottait à moi et le plus surprenant est que c’est un vieux qui avait à peu près l’âge de mon père. J’ai avancé. Peu de temps après, il est venu se coller à moi. J’ai encore fait un pas en avant parce que le bus était plein à craquer. J’avais peur de parler parce que c’était un homme âgé et je ne voulais pas lui manquer de respect en le dénonçant. Heureusement qu’une dame nous observait. Elle n’a rien raté de la scène. C’est quand j’ai retourné mon sac à dos que j’avais mis devant moi pour le mettre entre nous que la dame lui a demandé d’arrêter de me poursuivre et de me frotter ‘boul ko dièkhal’, lui dit-elle et tout le monde l’a regardé. Il ne pouvait le nier car son pantalon était gonflé. Toute honte bue, il était obligé de descendre à l’arrêt suivant sans dire un mot».

Si la pratique est une réalité indéniable, il reste que certaines dames accusent souvent, de manière gratuite, des passagers. Adji, étudiante, receveuse dans une autre vie confirme. «Une femme a accusé à tort un jeune homme. Mais, tous les autres passagers ont pris fait et cause pour le jeune homme dont les frottements sur la jeune fille n’étaient causés que par les mouvements du bus. Surtout qu’il y avait une entre eux une sacoche. Le jeune homme, très en colère, voulait la battre».

TROIS QUESTIONS A…

PAPE YORO BAKHOUM, PSYCHOLOGUE

«Les causes sont d’ordre psycho-sociologique»

Il n’y a jamais de fumée sans feu, disait l’autre. Et ce comportement des frotteurs dans les moyens de transport public a une explication scientifique. Pour Pape Yoro Bakhoum, psychologue et analyste de la réalité sociale, ce phénomène entretenu par des «maniaques sexuels» ou des «dépravés mentaux» est plus qu’une simple maladie.

WalfQuotidien : Qu’est-ce qui, selon vous, explique le comportement des hommes qui s’adonnent à une telle pratique ?

Pape Yoro BAKHOUM : Ces hommes ont, pour la plupart du temps, un problème de maîtrise lorsqu’ils voient une fille. C’est pourquoi on les appelle des «maniaques sexuels» ou des «dépravés mentaux». Un effet de sublimation se dégage car leurs gendarmes intérieurs ne fonctionnent pas comme cela se devrait. Ce qui fait qu’ils sont sous la coupe de leur passion.

Peut-on dire qu’il s’agit d’une maladie ?

Tout à fait. C’est une maladie appelée : dysfonctionnement psychique. Elle altère la conscience et met en avant l’inconscient, ce qui crée un déséquilibre chez la personne qui n’a pas d’auto-contrôle ni d’auto-censure. De plus, ces personnes-là ne cherchent qu’à satisfaire leur «ça» et peu importe le lieu car, en réalité, elles ne voient pas les personnes, mais plutôt leurs désirs.

Quelles sont les causes de cette «maladie» ?

Les causes explicatives sont d’abord d’ordre psychologique, comme l’entassement dans les bus qui, au-delà des personnes qui en profitent, met aussi d’autres personnes dans une position inconfortable. Ces personnes-là sont obligées de se mettre derrière la fille. Et ce qui est valable pour la femme ne l’est pas forcement pour l’homme. Mais, il y a aussi l’aspect sociologique, la manière dont les filles s’habillent par exemple. Avec leur accoutrement qui heurte la conscience collective, on peut dire qu’elles exposent leur intimité. Ce qu’elles ne devraient porter que dans une chambre est ainsi exposé au grand public. Cela attire les personnes normales, à plus forte raison celles anormales.

Réalisé par Adja Mariétou NDAO

(Stagiaire)

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