Le variant anglais du coronavirus gagne du terrain en France. Selon le laboratoire Eurofins Biomnis d’Ivry-sur-Seine, qui centralise les tests positifs au Covid-19 en Ile-de-France, il a été décelé dans 14% des prélèvements positifs dans la région. Une information révélée jeudi par France Bleu Paris. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris estime de son côté que le mutant britannique représente 9,4% des cas dépistés dans la région depuis deux semaines. A l’échelle nationale, une enquête « flash » réalisée les 7 et 8 janvier avait estimé qu’1 à 2% des contaminations correspondaient à ce variant et une autre enquête est en cours. De quoi donner des sueurs froides aux soignants et aux politiques, car plusieurs études suggèrent que cette nouvelle souche du Sars-CoV-2 est plus facilement transmissible. Selon un article de la revue The Lancet, elle serait « jusqu’à 70% plus contagieuse ».
Pour ajouter à l’inquiétude, ce variant pourrait aussi être plus mortel. C’est ce qu’a annoncé le Premier ministre britannique, Boris Johnson, le 23 janvier, sur la base d’un rapport du NERVTAG [New and Emerging Respiratory Virus Threats Advisory Group], l’équivalent du Conseil scientifique outre-Manche. Celui-ci s’est penché sur trois études comparant des patients infectés par la souche initiale ou par le variant. Si les incertitudes et les biais potentiels sont encore nombreux, ils concluent qu’il existe une « possibilité réaliste » que le variant anglais entraîne plus de formes graves voire mortelles de la maladie. Cette surmortalité s’échelonnerait entre 30 et 40%. Pour Patrick Vallance, conseiller scientifique du gouvernement, cela signifie que l’on passerait de 10 morts pour 1.000 personnes infectées d’une soixantaine d’années à 13 ou 14.
Nom de code : VOC 202012/01, ou B.1.1.7
Baptisé VOC 202012/01 pour « variant of concern, year 2020, month 12, variant 01 », ce variant est aussi appelé « lignée B.1.1.7 », c’est-à-dire qu’il forme une nouvelle branche du Sars-CoV-2. Pour comprendre comment fonctionne ce mutant et ce qui le rend si menaçant, il faut zoomer sur la structure du virus. Plus précisément, il faut plonger dans son génome.
Le génome, c’est le matériel génétique du virus. Une sorte de code-barres qui contient toutes ses informations. Chez l’homme, ce génome est codé sous forme d’ADN, deux brins qui s’entrecroisent en hélice. Le coronavirus, lui, est un virus à ARN : son génome se présente sous la forme d’un seul brin, contenant 30.000 bases azotées ou lettres.
A l’origine des mutations
Quand le coronavirus parvient à infecter une cellule humaine, il la force à déchiffrer ces 30.000 lettres. L’ARN est alors recopié à la chaine, permettant au virus de se multiplier. Mais pendant ce processus, il arrive qu’il y ait des erreurs de copie : une lettre peut être codée à la place d’une autre (c’est une substitution), une autre peut être oubliée (délétion) ou ajoutée (insertion). C’est ce qu’on appelle des mutations.
Lire aussi – Le virologue Bruno Lina sur les variants : « Personne ne sait quand le Covid-19 cessera de muter »
Comment les mutations apparaissent-elles? Par le fruit du hasard. De fait, le Sars-CoV-2, comme les autres virus, a déjà muté des milliers de fois. Parfois, ces changements dans le génome n’ont pas de conséquence, mais certains peuvent conférer au virus mutant un avantage qui, par la sélection naturelle, va l’aider à devenir dominant.
Le variant anglais présente 23 mutations
Dans le cas anglais, les chercheurs ont repris leurs anciens échantillons et ont identifié a posteriori des cas remontant au 20 septembre dans le Kent. Dans la revue Cell, des scientifiques ont aussi émis l’hypothèse que le VOC 202012/01 pourrait être apparu chez un patient immuno-déprimé. Ils expliquent que chez les personnes ayant un système immunitaire faible, l’infection peut durer plusieurs semaines, ce qui donne plus de possibilités au virus pour muter.
Dans son génome, « B.1.1.7. » présente 23 mutations, dont 17 modifient réellement la structure du virus. L’une d’elles est la délétion « H69-V70 » et c’est par elle que le variant anglais trahit sa présence. En effet, lorsque les tests PCR détectent cette mutation, il en résulte un résultat discordant. La délétion « H69-V70 » n’est cependant pas spécifique au variant anglais, c’est pourquoi seul un séquençage du génome permet d’attester qu’il s’agit du mutant britannique.
La protéine spike : là où tout se joue
Ce qui rend le variant anglais plus contagieux, c’est la présence de mutations sur le spicule, ou protéine « spike ». Sur les 23 mutations du VOC 202012/01, huit se situent à ce niveau. Le spicule, c’est l’arme décisive du Covid-19. Il s’agit des pointes qui percent à sa surface. Ces picots permettent au virus de s’arrimer aux cellules humaines, via les récepteurs ACE2. Pour mieux comprendre, on peut les comparer à une clé dans une serrure. Une fois accroché, le virus peut pénétrer dans la cellule et en prendre le contrôle. La zone d’arrimage est appelée « Receptor Binding Domain » (RBD), pour « domaine de fixation aux récepteurs ».
Les huit mutations présentes sur la protéine spike modifient donc la forme de cette clé. En particulier, la mutation « N501Y » est suspectée d’affiner la géométrie du spicule, comme une pièce de puzzle qui serait mieux ajustée aux autres. Autrement dit, le virus rentrerait plus facilement dans les cellules et serait donc plus contagieux. Plus inquiétant encore, cette mutation se retrouve chez les variants sud-africain et brésilien.
Et les autres mutations? Pour le moment, leur rôle est moins connu. Pour combattre, le virus, l’organisme produit des anticorps, qui ciblent la protéine spike et surtout le domaine de fixation aux récepteurs. Dans un long article, le New York Times liste les autres mutations et mentionne notamment la délétion H69-V70, citée plus haut, et la délétion Y144/145, qui pourraient compliquer cette mission des anticorps.
→ A LIRE AUSSI : Covid-19 : Le Pr Souleymane MBOUP confirme la présence du variant britannique au Sénégal
→ A LIRE AUSSI : Kawtef : De retour d’un mariage, trois personnes d’une même famille emportées par le Coronavirus à Dakar
→ A LIRE AUSSI : Dernière Minute : La sentence est enfin tombée pour Assane Diouf
'